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Le canal de Bourgogne | |
Auteur : Charles Berg Histoire & Patrimoine des Rivières & Canaux (contact) |
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DES OUVRAGES, DES GENS, UN CANAL Seconde partie : Versant Yonne (Première partie : versant Saône)
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Au terme de 3,345 km sous terre, le canal retrouve la lumière du jour. C'est Pouilly-en-Auxois. |
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La sortie du tunnel, côté Pouilly. La lumière est celle d'un bateau... | ..."La Billebaude", qui jaillit du tunnel, à Pouilly. |
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À Pouilly, cap sur le coeur du canal À la belle saison, Pouilly revêt des allures de station de vacances de montagne. La ville, le département, la région, l'Europe et V.N.F. ont largement investi pour redonner à ce site une nouvelle attractivité, comme tout au long du canal. Ainsi, dans le grand port réaménagé, est né "Cap Canal" | Le toueur à l'abri sous sa voûte de verre. Au premier plan à droite, Cap Canal. | |
La maquette animée du toueur, présentée dans Cap Canal. | ||
"Cap Canal" n'est pas un musée. C'est un "centre d'interprétation" qui doit permettre au visiteur de "découvrir, comprendre et admirer" le canal, son histoire, sa raison d'être et son fonctionnement, à travers des maquettes, des reproductions de plans anciens et des écrans interactifs. Élise Gonnet est la jeune et charmante capitaine de ce grand vaisseau de verre posé à terre tout au bord du canal, face au toueur électrique à trolleys en service de 1893 à 1987 [1], et présenté désormais à l'abri sous une voûte de verre dans l'ancien bassin de ce bac que nous avons vu à Escommes. Pour comprendre le fonctionnement de ce bateau, Cap Canal en présente une grande maquette animée au 1/20, qui constitue le clou de la visite. | ||
Le toueur à l'abri sous sa voûte de verre. Les trolleys sont bien visibles. |
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Pour compléter l'ensemble, l'ancienne usine électrique qui turbinait l'eau du canal, à côté de la première écluse du versant Yonne, pour fournir son énergie au toueur, a été restaurée elle aussi, et elle accueille désormais librement le public. Bien sûr, plus aucun ampère ne circule aujourd'hui dans ses circuits encore en état. |
L'usine électrique qui fournissait son courant au toueur. |
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Le choeur splendide de la petite église de Saint-Thibault. | Saint-Thibault et la tranchée de Creusot Le premier bel ouvrage que nous rencontrons en descendant vers l'Yonne est religieux. C'est la modeste église de Saint-Thibault, dont le choeur est un chef d'oeuvre de l'art gothique, une Sainte-Chapelle en réduction, égarée dans les prairies de l'Auxois. |
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Mais avant de rejoindre l'Yonne, le canal doit d'abord quitter l'Armançon et descendre dans la vallée de la Brenne pour éviter les rochers de Semur-en-Auxois. Pour cela, tout de suite après Saint-Thibault, il traverse trois tranchées dont la première, à Creusot, est un superbe ouvrage qui sent bon la première moitié du XIXe siècle. | La tranchée de Creusot, magnifique ouvrage du XIXe siècle. |
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Pont-Royal |
À sa
sortie se trouve l'écluse 13 de Pont-Royal, qui ponctue le plus long bief du
canal (10,5 km), immédiatement suivie par le port éponyme, magnifique de
majesté tranquille. On pourra s'étonner d'y rencontrer un bateau en bois de
forme bien ligérienne, genre toue cabanée. Il s'agit d'un projet touristique de
la Communauté de Communes de la Butte de Thil pour promouvoir les balades en
familles sur ce long et beau bief, et ce bateau devrait prochainement être
rejoint par d'autres du même type. |
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Les écluses de Pouillenay. |
Un tjalk dans l'écluse 23 Y de la vallée des quarante, non loin de Marigny-le-Cahouet. |
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Quarante écluses, un pont-canal, des lavoirs... Les écluses se rapprochent à nouveau, entrecoupées par deux autres tranchées à Saucy et la Croisée. La 16 Charigny marque le début de la grande descente : 40 écluses en 14 kilomètres par Marigny-le-Cahouet, Pouillenay et Vénarey-les-Laumes ! La 23 a vu naître en 1846 Bernard Roy, qui devait devenir secrétaire plénipotentiaire du gouvernement français en Tunisie. Au loin, du haut de cette imposante colline fortement présumée être le site historique d'Alésia, le Vercingétorix de bronze géant aux traits de Napoléon III veille sur la vallée de la Brenne. | La colline d'Alésia, vue depuis l'écluse de Mussy. |
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L'écluse de Courcelles-lès-Montbard. |
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Le pont-canal de Montbard, sur la Brenne. |
À Montbard, le canal traverse la rivière par un pont-canal qui n'est pas son plus remarquable. À deux pas de là, hors du temps, se niche l'abbaye cistercienne de Fontenay. Six kilomètres plus bas, la Grande Forge de Buffon propose un autre saut temporel. Le canal, qu'a retrouvé l'Armançon en accueillant la Brenne, est en tranchée. Le pont qui conduit à la forge est un des plus beaux. Une halte, juste avant le pont, permet de s'amarrer le temps de la visite. |
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Le pont de la Forge de Buffon. |
Sassement d'un bateau-hôtel à l'écluse d'Aisy. |
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Peu après, le site de l'écluse d'Aisy chevauche la limite des deux départements Yonne et Côte d'Or. L'usine voisine, désaffectée, aurait pu devenir un écomusée, mais cela ne s'est pas fait. Dommage ! L'écluse suivante, la 72 Y à Perrigny, côtoie un beau lavoir à l'ambiance feutrée dans un cadre de verdure propice à la détente. De même à côté de celle de Chassignelles, la 79 Y, se trouve un autre lavoir construit en 1837, en impluvium. | ||
Le lavoir de Perrigny. |
Dans le lavoir de Chassignelles. |
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L'écluse d'Ancy-le-Franc. |
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D'Ancy-le-libre à Tonnerre L'Armançon est une rivière laborieuse qui a fait tourner nombre de moulins. Celui d'Ancy-le-Libre est remarquable. Il a cessé de fonctionner il y a quelques années seulement, et tous ses équipements sont encore en place. Son propriétaire actuel, amoureux du site depuis sa jeunesse, le restaure afin d'en faire un jour prochain un musée de la meunerie qui, n'en doutons pas, sera une réussite. Ici, l'escale s'impose, ne serait-ce que pour aller, face à l'écluse, honorer la table de "Mémé", où l'addition est inversement proportionnelle à la qualité et à la quantité. |
Dans le moulin d'Ancy-le-Libre. |
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L'écluse d'Argentenay. |
Tanlay,
connue pour son château
dont les communs accueillent des expositions d'art moderne, possède
aussi un
charmant port. Plus bas, au niveau de Commissey, le tracé du canal a
obligé à
rescinder une large boucle de l'Armançon. Mais, moulins obligent, cette
boucle
ne devait pas devenir un bras mort. Aussi, l'ancien méandre est-il
désormais alimenté par le ru de Commissey pour desservir ses vieux
moulins, avant de rejoindre le canal pour
l'alimenter sous l'écluse 92 Y Saint-Martin. Le port de Tanlay |
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Bien vite, voici la cité du Chevalier d'Éon, Tonnerre, réputée pour sa Fosse Dionne, légendaire source vauclusienne aménagée en lavoir en 1758, ainsi que pour son hospice créé par Marguerite de Bourgogne à la fin du XIIIe siècle. Tonnerre possède un port animé en saison. L'écluse haute de Tonnerre. |
L'écluse basse de Tonnerre. À l'arrière-plan, le port. |
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Sur l'écluse de Charrey. |
Un peu plus bas, nous quittons la région Bourgogne pour 3 kilomètres en Champagne-Ardenne. En effet, Charrey est dans l'Aube, et son grand port peu accueillant ne mériterait guère que l'on s'y arrête si l'éclusier, encore un passionné, n'avait fait du plateau de son ouvrage une préfiguration d'un hypothétique (mais attendu) musée du canal en présentant à terre toutes sortes d'objets relatifs à la voie d'eau : crapaudines et leurs pivots, crics de ventelles, faucardeur manuel, "queue de vache" [2], etc. Ici, deux maisons de services se font face de part et d'autre de l'écluse. La maison éclusière est en rive gauche, mais l'éclusier occupe la jolie maison de garde en rive droite. |
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Parmi les écluses suivantes, celle de Germigny est intéressante. C'était, jusqu'à la mise au gabarit Freycinet dans les années 1879-1882, une écluse double, au gabarit Becquey bien sûr (31 m par 5,20 m) ce qui explique aujourd'hui cette tête amont démesurément longue, et creusée de deux enclaves de vantaux. Juste à côté, le canal ponctionne l'Armançon au moyen d'une prise d'eau en pierre de taille, autre bel ouvrage. |
L'écluse de Germigny, une des deux plus hautes du canal. |
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Le pont-canal de
Saint-Florentin, au-dessus de
l'Armance. |
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Plan du pont-canal de Saint-Florentin. Cours de navigation intérieure, par l'ingénieur Bonnet, 1907) |
Deux ponts-canaux Saint-Florentin est bien connu des plaisanciers pour sa base de location idéalement située dans son grand port. Celui-ci s'ouvre vers l'aval sur une écluse, la 108 Y, couplée à un pont-canal. Ce dernier est sans doute le plus beau du canal, dessiné par Foucherot et Sutil en 1810, dans un style encore très imprégné du siècle précédent. L'Armance, affluent de l'Armançon, y passe ainsi sous le canal après avoir baigné un joli parc qui s'enorgueillit à juste titre de posséder un théâtre de verdure qui, s'il est en béton, n'en possède pas moins de charme. Chaque été, le festival d'Othe y présente des spectacles musicaux et des concerts. |
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Le pont-canal du Boutoir, qui enjambe le Créanton à l'entrée de Brienon, a moins de prestige bien que signé des deux mêmes ingénieurs à la même époque. Il est néanmoins de belle facture, et son manque de charme est plutôt à mettre sur le compte de son environnement ferroviaire et industriel, mais pas de sa conception même. Brienon possède aussi un lavoir ovale en impluvium qui rappelle la Fosse Dionne de Tonnerre. La date de construction, 1792, indiquée sur place est fausse. En réalité, c'est en 1762 que ce lavoir fut érigé sur la Fontaine de la Poterne. Lui et la Fosse Dionne sont classés Monuments Historique. |
Le pont-canal du Boutoir, sur le Créanton, à Brienon. |
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Chargement de bateaux de commerce, à Migennes. |
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Migennes Au terme d'une traversée de 242 kilomètres, le canal rejoint enfin l'Yonne à Migennes. Ici, Foucherot et Sutil avaient prévu un bassin digne d'un château royal, bordé d'alignements d'arbres, et de grands obélisques de part et d'autre de l'entrée de la gare d'eau, avant-port du canal sur l'Yonne. Ces derniers ne verront jamais le jour, et l'esthétique de l'ensemble souffrira bien vite de la proximité du chemin de fer qui apportera une couleur nettement plus industrielle au site. Comme celle de Germigny, l'écluse était double à l'origine et ce jusqu'à Freycinet. C'est ce qui explique les numéros doubles qu'elles portent toutes deux. |
L'écluse de La Roche, au début du XXe siècle. (Coll. V. Saffroy) |
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L'écluse de La Roche, à Migennes. Le
canal s'épanche dans l'Yonne. Au bout, c'est Paris. Et au-delà,
la Manche. Le canal des deux mers est une réalité.
CB |
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[1] Il avait succédé à deux premiers toueurs à vapeur installés en 1867 et 1886.
[2] C'est
ainsi qu'on nomme la grande barre métallique, à l'élégante
double courbe,
qui sert à ouvrir les vantaux en démultipliant l'effort. Cet équipement est
caractéristique du Bourgogne. |
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