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chèvre, égide (français) / αἴξ [aíx] (grec) - Le mot du jour - Forum Babel
chèvre, égide (français) / αἴξ [aíx] (grec)

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Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4088
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Thursday 03 Apr 14, 22:45 Répondre en citant ce message   

L'égide désigne un "bouclier merveilleux, recouvert de la peau de la chèvre Amalthée (Ἀμάλθεια ) et que Zeus confia à Athéna" (TLF)

Du grec αἰγίς, αἰγίδος : peau de chèvre, d'où bouclier en peau de chèvre, en particulier fait avec la peau de chèvre Amalthée :
"arme offensive et défensive de Zeus, hérissée comme une toison, garnie de franges et bordée de serpents, avec une tête de Gorgone au milieu ;
Zeus répand la terreur en l'agitant au milieu des ténèbres, des éclairs et au bruit du tonnerre" (Bailly)

en latin : ægis, -idis

de αἴξ, αἰγός : chèvre.

En grec moderne : κατσίκα [katsika]

au sens figuré, l'égide a le sens de protection, sauvegarde.
La justice est l'égide de tous et de chacun ; mais en sa qualité de justice cependant c'est le grand nombre qu'elle doit protéger.
(Germaine de Staël)

sous l'égide de quelqu'un : sous la protection de quelqu'un.

en anglais : ægis a les mêmes sens, y compris l'expression : under the ægis

Voir les divinités anciennes de la Grèce
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
Messages: 11169
Lieu: Meaux (F)

Messageécrit le Monday 26 Dec 16, 11:24 Répondre en citant ce message   

Je propose d'enrichir ce fil avec les noms de la chèvre, d'où l'ajout du mot chèvre dans le titre.

Commençons par les deux que nous a donnés Xavier.

1. Le grec ancien αἴξ, αἰγός [aíx, aigós] n'a - semble-t-il - qu'un seul cognat, l'arménien ayc (ayts), ce qui nous amène à poser une première racine IE *aig-. Peut-être le basque ahuntz est-il apparenté ?
(Dans le Chantraine en ligne, il manque les pages 37 et 38 qui me permettraient probablement d'en savoir plus. J'espère qu'un autre Babélien pourra compléter.)

2. Le grec moderne κατσίκα [katsika] : je ne sais s'il faut rattacher ce mot au slave koza ou kaza - dont il serait un diminutif - que l'on trouve dans toutes les langues parlées de la Russie à la Serbie, ou au turc keçi que l'on retrouve dans le hongrois kecske. Peut-être à l'un et à l'autre, d'autant plus que les mots slaves semblent avoir un air de parenté avec le turc.

3. Aujourd'hui, dans un autre fil, Rejsl nous a appris le yiddish tsig, à rapprocher de l'allemand Ziege, et peut-être aussi de l'albanais dhi. Les deux premiers relèvent en tout cas clairement d'une deuxième racine IE *digʰ-.
NB : La paronymie avec un certain nombre de mots d'origine altaïque est troublante : turc et kirghize teke, azéri täkä, géorgien t’kha.

4. Sans oublier les divers cabra, capra et capră des langues romanes (> fr. chèvre), tous issus d'une troisième racine *kap-ro.

5. Et bien évidemment les anglais goat, danois ged, islandais, néerlandais, norvégien geit, luxembourgeois Geess, suédois get, wallon gate issus d'une quatrième racine *gʰ(a)id-o.
NB : Calvert Watkins voit une relation par métathèse entre les racines *digʰ- et *gʰ(a)id-o. On peut aussi parler de réversibilité ou de non ordonnancement des consonnes radicales.

6. Dans ce groupe, sous une cinquième racine *bʰugo-, on trouve aussi bien la chèvre que le bouc.
Pour le persan boz et le tadjik buz, c'est la chèvre.
Pour les autres, il semble bien que ce soit plutôt le bouc. Et les autres, c'est le gaulois *bucco, l'aragonais boque, l'italien du Nord bucco, le dialectal de Suisse romande bouk, bok, l'irlandais bocc, le breton bouc'h, le francique *buk, le latin médiéval buccus ... (TLF)

7. Je ne suis pas sûr qu'il faille placer ici les langues indiennes, mais je les mentionne quand même : gujarati, panjabi, sindhi, urdu bakarī, hindi bakara, népalais bākhrā
NB : La paronymie avec l'arabe baqar "vache" est probablement fortuite. Notons qu'une même désignation de l'un et l'autre animal dans des langues différentes n'aurait rien de surprenant. Les exemples abondent.
Plus vraisemblablement, on pourrait voir dans ces mots une sixième racine *bak-r- qui serait en relation par métathèse avec la racine *kap-ro.

8. Un petit groupe problématique : le gaélique gobhar, le gallois gafr et l'irlandais gabhar. D'après le dictionnaire de nostratique de Dolgopolsky, nº 843, ces mots celtiques seraient issus d'une septième racine IE *gabʰ- "chèvre, agneau" contaminée par la racine *kap-ro.

Je n'ai pas épuisé le sujet. Bienvenue à d'autres contributions sur ce sujet comme sur les autres.
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Jeannotin
Animateur


Inscrit le: 09 Mar 2014
Messages: 879
Lieu: Cléden-Poher

Messageécrit le Monday 26 Dec 16, 23:47 Répondre en citant ce message   

D'après Delamarre, le mot qui correspond à chèvre dans les langues celtiques modernes est attesté en gaulois dans des noms propres comme Gabrus ou Gabra et dans des noms de lieu comme Gabriacum (> Gabriac en pays d'oc, > Givry en pays d'oïl). Son opinion est que le mot vient de la racine i-e *kap-ro, qui donne régulièrement un celtique *cabro-. Il y aurait ensuite eu assimilation de sonorité, et de *cabro- on serait passé à *gabro- sous l'influence du [b].
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
Messages: 11169
Lieu: Meaux (F)

Messageécrit le Tuesday 27 Dec 16, 0:13 Répondre en citant ce message   

Tu m'amènes à consulter Gastal que j'avais négligé !
L'hypothèse de Delamarre paraît plausible et plus économique que celle de Dolgopolsky.
Pas grand chose à ajouter si ce n'est le breton gavr et le gaulois gabro reconnaissable dans des toponymes ou noms de rivières.
Outre les toponymes que tu donnes, Gastal me permet d'ajouter Gièvres (Loir et Cher), Jabrun (Cantal), et le Jabron, rivière de la Drôme.
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Jeannotin
Animateur


Inscrit le: 09 Mar 2014
Messages: 879
Lieu: Cléden-Poher

Messageécrit le Tuesday 27 Dec 16, 0:30 Répondre en citant ce message   

Le mot breton se prononce [ꞌgawər] ou ['gↄwər], on note gawr en interdialectal, qui est notamment l'orthographe utilisée par Deshayes en raison de son caractère étymologique. Cette précision n'est pas inutile, puisque le peurunvan qui note gavr ne permet jamais de savoir si v vaut [v] ou [w].
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
Messages: 11169
Lieu: Meaux (F)

Messageécrit le Tuesday 27 Dec 16, 7:07 Répondre en citant ce message   

Parmi les mots apparentés à chèvre, voir chevrette, variante de crevette.
La plupart des divers dérivés en chevr-, capr-, cabr- sont bien connus et leur relation sémantique avec la chèvre, qu'elle soit capricieuse ou cabriolante, assez claire.
Le cabriolet est attesté en 1755 au sens de "voiture légère qui cabriole"... Pourquoi pas ? Mais si qqn a une autre explication, je suis preneur !

En espagnol, attention au mot cabrón, c'est une grave insulte.
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
Messages: 11169
Lieu: Meaux (F)

Messageécrit le Monday 30 Oct 17, 7:59 Répondre en citant ce message   

Une curiosité : en espagnol, le petit de la chèvre, le chevreau, est un chivo, et c'est ce mot qui est utilisé pour traduire "bouc émissaire" : chivo expiatorio.
Ce qui m'étonne un peu, c'est l'étymologie donnée par le DRAE : De chib, voz de llamada para que el animal acuda = de chib, mot utilisé pour appeler l'animal...
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Ion
Animateur


Inscrit le: 26 May 2017
Messages: 306
Lieu: Liège

Messageécrit le Saturday 17 Feb 18, 23:22 Répondre en citant ce message   

Dictionnaire étymologique de la langue grecque, tirage de 1999, avec un Supplément.
Dans le corps de l'ouvrage :
Citation:
Αἴξ est identique à arm ayc, et c’est tout, ce qui n’étonne guère pour un animal qui n’est pas « noble » comme le cheval, le bovin. On notera aussi le vocalisme ai étranger aux alternances normales et que Meillet jugeait populaire. Aussi Specht a-t-il pensé, sans raison décisive, que le mot aurait été emprunté par les Indo-Européens à leur entrée dans la péninsule des Balkans (KZ 66, 1939, 13 sqq., Die Ausbreitung der Indogermanen, 10 sqq.). Toutefois, il est naturel de rapprocher de αἴξ l’av. (à vocalisme zéro ?) izaēna « de peau » (originellement « de peau de chèvre »?). P. Thieme, Heimat der indog. Gemeinsprache (Abh. Akad. Wiss. Mainz 1953), 571, admet que la chèvre est l’animal bondissant, cf. skr. éjati, etc. Et il reste à se demander quel rapport le terme grec et arménien pourrait présenter avec l’autre nom de la chèvre de forme voisine, atteste par skr. ajá- « bouc » et ajā́- « chèvre », etc.


Dans le Supplément, notice de Charles de Lamberterie :

Citation:
Il est tentant d’analyser ce nom de la chèvre comme le nom-racine d’une racine i.-e. *h2eig- « bondir, se mouvoir par à-coups » : voir en ce sens, après d’autres, J. Manessy-Guitton, Languages and Cultures, 421-2 et F. Bader, Langue des dieux, 128, avec mention de la glose αἶγες « vagues » citée DELG s.u. αἰγιαλός. M. Mayrhofer, EWAia I, 264 signale cependant une difficulté formelle, à savoir que le nom de la chèvre repose sur une forme *aiĝ-, avec palatale, alors que la racine de skr. éjati « s’élancer » comporte une (labio)vélaire (cf. iṅgáyati « mettre en mouvement », ibid. 186). L’objection n’est pas insurmontable, car on peut admettre un cas d’ « échange de gutturales » en fin de racine, mais elle reste à prendre en compte.


Dernière édition par Ion le Sunday 18 Feb 18, 9:26; édité 1 fois
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
Messages: 11169
Lieu: Meaux (F)

Messageécrit le Sunday 18 Feb 18, 0:17 Répondre en citant ce message   

Merci, Ion. J'espère qu'on ne trouvera pas saugrenu que je signale ici qu'en arabe aussi le nom de la chèvre, ʿanz (avec une gutturale à l'initiale), n'est probablement pas sans rapport avec une série de racines ayant le sens de sauter, bondir :

nazā u sauter, bondir
nazza se mettre à courir (gazelle)
nazaǧa sauter (enfant)
nazaqa sauter (cheval)
nafaza se mettre à bondir et à courir (gazelle)
naqaza bondir, faire des bonds en courant (gazelle)
etc.

Cela dit, on ne sait pas dans quel sens la métaphore a fonctionné. C'est peut-être le nom de la chèvre qui, aussi bien en indo-européen qu'en sémitique, a généré des racines signifiant bondir, sous-entendu "comme une chèvre". C'est bien ce qui s'est passé pour caprice, alors pourquoi pas pour des verbes signifiant "bondir" ?

Plusieurs arguments vont dans le sens de cette dernière hypothèse :

1. Le nom arabe de la chèvre viendrait du sumérien uz.
2. Le nom avestique de la chèvre est iza (d'où le terme izaēna « de peau », originellement « de peau de chèvre », cité dans le post de Ion), et son nom pehlevi est azak. Ces deux mots sont donnés par Nourai comme apparentés au grec αἰγίς [aigis].
3. En arabe même, ʿaz est une interjection dont on se sert pour appeler ou éloigner les chèvres.

Il semblerait donc que le n arabe soit un crément, infixé dans le nom, préfixé dans les verbes, apparu plus tardivement pour "gonfler" un peu un mot trop bref qu'il aurait été difficile de couler dans les moules de la grammaire. (Ce n'est pas le seul exemple).

Origine de tous ces mots ? Sumérienne ou indo-européenne ? Je laisse à d'autres le soin de remonter plus haut dans le temps, si tant est que ce soit possible.
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Azwaw



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Messages: 975
Lieu: Le Havre

Messageécrit le Monday 19 Feb 18, 11:22 Répondre en citant ce message   

Le berbère ἰγid est très certainement lié au terme grec. Selon Hérodote d'ailleurs, l'égide est d'origine libyenne et on retrouve dans de nombreux contes berbères la thématique de la jeune fille protégée par une peau de caprin. Soit l'une des langues a emprunté à l'autre, soit les deux ont emprunté à une troisième langue non identifiée.
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dawance



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Messageécrit le Wednesday 21 Feb 18, 18:59 Répondre en citant ce message   

Au ùmot nl geit, chèvre, Philippa donne :
Onl. misschien in chenecurda ‘kudden geiten’ [8e eeuw; LS], dat dan een verbastering zou zijn van *chet-cordar, waarin het eerste lid *chet of *cheit ‘geit’ is en het tweede lid overeenkomt met vx h all.. cortar ‘kudde’; mnl. geet ‘geit, gems; ree’ [1240; Bern.], met melk van gheeten[ ‘met melk van geiten’ 1287 (du lait de chèvre); CG II, Nat.Bl.D], tscaep die coe die geet[ ‘het schaap, de koe, de geit’ (le mouton, la vache, la chèvre1340-60); MNW-R], gheiten (mv.) [1351; MNW-P].

Vieux sax. gēt, vx ht all. geiz (nouv.ht all. Geiss), v.angl.. gāt (nouv.angl. goat), vx nl. geit, got. gaits < pgm. *gaiti- ‘geit’.
Buiten het Germaans komt klankwettig alleen overeen Latijn haedus ‘bok’, bouc, zodat de West-Europese vorm *ghaid- moet zijn geweest. Oudnoords geitungr ‘wesp’ (Nieuwzweeds geting ‘id.’) kan er op wijzen dat *ghaid- oorspronkelijk ‘punt, stekel, hoorn’ heeft betekend (Kluge22). Gezien de beperkte verspreiding en het betekenisveld ‘dier dat gehouden wordt’ gaat het hier mogelijk om een substraatwoord.

J'ai la flemme de tout traduire complètement. Sorry.
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dawance



Inscrit le: 06 Nov 2007
Messages: 1886
Lieu: Ardenne (belge)

Messageécrit le Wednesday 21 Feb 18, 19:24 Répondre en citant ce message   

vx fr (Godefroy): gade, gadde, chèvre, gadel, chevreau.
wallon : gade, gatte, chèvre.
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Papou JC



Inscrit le: 01 Nov 2008
Messages: 11169
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Messageécrit le Thursday 22 Feb 18, 8:30 Répondre en citant ce message   

Il n'est pas complètement hors sujet d'ajouter ici ce qu'Outis a dit ailleurs à propos de chimère (et que j'ai déjà recopié une fois dans le sujet "hiver") :

Le monstre nommé Chimère (Χίμαιρα) tire son nom de ce qu'il a tête et corps de chèvre (quelles que soient les variantes pour le reste chez Homère et Hésiode) et de ce que khímaira (χίμαιρα) est un nom de la chèvre, plus précisément de celle qui est née à la fin de l'hiver et qui a donc un an lors de la première mise bas.

Ce nom est lié à celui de l'hiver, *gʰei-ōm, et ce type de formation a des correspondants :

suéd., norv. dial. gimber (germ. *gimbrī) « brebis qui n'a pas encore eu de petits »
latin bīmus, trīmus, quadrīmus (< *bi-hīmos, etc.) pour les vins, légions, etc., de deux, trois, quatre ans.
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