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Pascal Tréguer
Inscrit le: 16 Dec 2012 Messages: 694 Lieu: Lancashire - Angleterre
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écrit le Saturday 06 May 17, 18:36 |
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prononciation : /eɪk/
significations :
- verbe : faire mal, être douloureux/se ; souffrir ;
- nom : douleur, mal
Le verbe vient de l’ancien anglais acan, d’origine germanique, le nom de la forme palatalisée du verbe, æce. En moyen anglais les graphies du verbe étaient du type ake, celles du nom du type ache, reflétant une différence de prononciation, le -ch- de ache étant prononcé comme dans church. La palatalisation explique aussi le parallèle entre :
- la série de verbes make, bake, wake, break, speak, stick,
- et la série de noms match, batch, watch, breach, speech, stitch.
Au 18ème siècle, la prononciation du nom devint celle du verbe sous l’influence de ce dernier, à savoir /eɪk/, d’où graphie ake du nom en plus de ache.
Mais, alors que la prononciation du verbe et du nom était devenue ake, on en est paradoxalement venu à orthographier les deux mots ache, reflétant pourtant la prononciation disparue. Il semble que le lexicographe Samuel Johnson (1709-84) soit en grande partie responsable de cela : dans A Dictionary of the English Language, qu’il publie en 1755, le nom apparaît sous la forme ache (dont il note la graphie ake), le verbe sous la forme ake ; mais il écrit que le verbe devrait être "more grammatically written ache", car il fait remonter ces mots au grec άχος (= achos), douleur, qui n’est pourtant pas apparenté. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11191 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 06 May 17, 19:11 |
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Old English acan "suffer continued pain," from Proto-Germanic *akanan, perhaps from a PIE root *ag-es- "fault, guilt," represented also in Sanskrit and Greek, which is perhaps imitative of groaning. (Etymonline)
Comme il y a ci-dessus plusieurs "perhaps", et que les supposés cognats sanskrit et grec ne sont pas donnés, je m'en permets un autre : peut-être de la grande famille ACUITÉ. La douleur est souvent la conséquence d'une piqûre (physique ou morale).
Tout coup porté est aussi un coup perçu. Idem pour piqûre, blessure, etc.
On voit qu'il est normal d'exprimer l'un et l'autre par un même mot.
Voilà de bonnes raisons sémantiques, me semble-t-il, de rattacher l'anglais ache à la racine IE *ak-.
Je laisse les phonéticiens nous dire si un tel rattachement est, du point de vue phonétique, possible ou impossible, probable ou improbable, aberrant, etc.
Voir aussi acumen.
Et aussi ce qui est dit du wallon daye.
(J'espère qu'il est encore permis de parler un peu d'étymologie sur ce forum, de temps en temps, à petites doses...) |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 06 Nov 19, 9:55 |
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Les cognats du neutre sigmatique *ag-es- sont :
# grec ἄγος [< *h₂g-os], gén. ἄγους [< *h₂g-es-os] est un mot en rapport étroit avec le sacré, notion ambivalente ; pour LS, tout ce qui en matière religieuse évoque un respect mêlé de crainte, consécration ou malédiction :
• pour des Spartiates n'obéissant pas au roi :
ἐν τῷ ἄγεϊ ἐνέχεσθαι, d'encourir une souillure, being put under a curse (Hérodote VI.56)
• pour Polynice que Créon refuse d'enterrer :
ἄγος δὲ καὶ θανὼν κεκτήσεται θεῶν πατρῴων, même mort, il gardera la souillure à l'égard des dieux de nos pères (Eschyle, Sept …, v. 1017)
• au roi d'Argos qui rejetterait une demande d'asile :
ἄγος φυλάσσου, garde-toi d'une souillure, beware pollution (Eschyle, Suppl., v. 375)
• Créon qui va enterrer vivante Antigone prend ses précautions :
φορβῆς τοσοῦτον ὡς ἄγος μόνον προθείς, ὅπως μίασμα πᾶσ᾽ ὑπεκφύγῃ πόλις.
plaçant seulement devant elle juste assez de nourriture pour éviter le sacrilège, afin que la cité entière échappe à la souillure.
setting out a ration of food, but only as much as piety requires so that all the city may escape defilement. (Sophocle, Antigone, vv. 775-6)
• une glose d'Hésychius assimile le pluriel aux enclos sacrés des sanctuaires :
ἄγεα: τεμένεα
• malgré l'absence d'aspiration initiale, on y a vu un apparentement avec ἅγιος [hágios] « sacré », Chantraine (DELG) y est plutôt favorable et rejetterait un rapport avec le sanskrit.
#sanskrit āgas n. [< *h₂eg-os] « péché, faute, offense, mal ; punition », « transgression, offence, injury, sin, fault » ; anāga « sinless ».
• dans un hymne védique au Ciel et à la Terre :
devānvā yaccakṛmā kaccidāgaḥ sakhāyaṃ vā sadam ij jāspatiṃ vā, si nous avons commis quelque offense contre les dieux ou un compagnon, voire contre le chef de famille, wenn wir irgend ein Unrecht getan haben, sei es den Göttern oder einem beständigen Freunde oder dem Hausherrn, (RV, I.185.8)
Mayrhofer (KEWA) accepte le rapport avec le grec et ajoute comme cognat le vieil-anglais ece « Schmerz [douleur, souffrance, peine] » qui semble être le acan de Etymonline.
Compte tenu de la couleur morale aussi bien de ἄγος que de āgas je repousse aussi bien le imitative of groaning de Etymonline que l'appel à *ak- de Papou JC. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11191 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 06 Nov 19, 10:30 |
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Très intéressant, bien que le passage sémantique de la faute morale (grec et sanskrit) à la douleur physique (germanique) ne saute pas aux yeux. Comment Mayrhofer l'explique-t-il ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 06 Nov 19, 11:48 |
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Il ne l'explique pas et renvoie à sa source : Loewe, KZ 48, 99.
Et rien n'impose que cette douleur soit uniquement physique, cf. Reverso :
my heart was aching j'avais le cœur gros
to ache to do sth être rongé (e) par le désir de faire qch
to ache for sth (for sth in the past) se languir de qch
Va savoir si ce n'est pas voisin du sens premier ?
Et, d'ailleurs, Wordsense, à l'entrée ached, précise :
From Middle English aken (verb), and ache (noun), from Old English acan (verb) (from Proto-Germanic *akaną ("to be bad, be evil")) and æċe (noun) (from Proto-Germanic *akiz), both from Proto-Indo-European *ag- ("sin, crime"). Cognate with Low German aken, achen, äken ("to hurt, to ache"), North Frisian akelig, æklig ("terrible, miserable, sharp, intense"), West Frisian aaklik ("nasty, horrible, dismal, dreary"), Dutch akelig ("nasty, horrible").
Dernière édition par Outis le Wednesday 06 Nov 19, 12:05; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11191 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 06 Nov 19, 11:58 |
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Oui, c'est plausible. Il suffit de se référer aux divers sens de mal en français. Avoir mal, faire mal et faire le mal. Le malheureux malade, la malchance du méchant, le péché à la source des maux, qu'ils soient moraux ou physiques... OK, ça se tient. |
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