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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 20 Mar 13, 23:43 |
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Je crois n'avoir pas été assez clair, ou alors tu m'as lu trop vite.
Je ne nie pas l'existence d'un mot signifiant écrire et précédent la reliure cousue. Je propose même le verbe saṭara.
Ce que je dis c'est que ce verbe kataba, dont le sens de coudre est criant quand on lit Kazimirski, ce que tu n'as pas manqué de faire, a probablement été d'abord utilisé pour signifier "relier", "composer un volume". Puis, de glissement de sens en glissement de sens, il a dû - c'est une hypothèse - finir par signifier "écrire", et par supplanter saṭara ou un autre verbe.
Est-ce plus clair ?
En akkadien : takāpu : piquer, percer, perforer ; coudre ; imprimer un signe cunéiforme. (Source : Dictionnaire de l'Association Assyrophile de France).
Remarque : La mobilité de la consonne t par rapport aux deux autres est la preuve qu'il s'agit d'un incrément et confirme que l'étymon est bien {k,b}. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 21 Mar 13, 9:10 |
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Si, je t'ai bien lu, mais c'est la première hypothèse qu'il faudrait vérifier avant de s'embarquer dans une hypothèse étymologique. A-t-on les traces d'un ancien verbe utilisé vraiment pour "écrire" et a-t-on les traces de sa supplantation par kataba à une époque -- historique et donc probablement documentée -- où la popularité du codex cousu aurait été si grande qu'on ait changé de verbe pour écrire, car il ne me semble pas que ces supports soient bien anciens. Or la racine KTB est connue à Ougarit. Sur quoi écrivait-on là-bas ?
Il faudrait comparer avec ce qui se fait dans les autres langues, mais là, généralement, les mots liés à l'écriture attestent un stade très ancien de la technique d'écriture, non pas un des stades les plus récents du livre. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 21 Mar 13, 9:57 |
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Je ne peux répondre que partiellement à tes interrogations. Une des rares langues sémitiques anciennes assez bien documentée est l'akkadien. J'ai consulté le dictionnaire qui est à la portée de tous. Je lui ai demandé comment on disait "écrire" et comment on disait "coudre". Pour "coudre", j'ai obtenu la réponse que je donne plus haut.
Pour "écrire", la voici :
šaṭāru : [Art] G. écrire, rédiger ; inscrire, graver ; copier ; formuler , enregistrer (un document) ; mettre par écrit ; porter sur une liste D. mettre par écrit, enregistrer Š. faire écrire N. être écrit, rédigé, inscrit
Il s'agit évidemment du cognat de saṭara, que je n'avais pas sorti de mon chapeau comme un magicien. Comme tu sais, ce verbe est toujours bien vivant en arabe et s'utilise pour "tracer des lignes", "tirer des traits", et même "écrire", forcément, mais le premier verbe qui vient maintenant à l'esprit pour traduire "écrire", c'est kataba, pas saṭara.
Et l'on se retrouve avec la question "D'où sort kataba ?" Je suis preneur de toute autre réponse que la mienne.
Enfin, mettre un ruban autour d'un rouleau de parchemin pour le faire tenir ne doit pas être une technique très récente, et il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'on ait utilisé le verbe qui servait depuis la nuit des temps à dire « nouer et serrer fortement avec une ficelle ou une courroie l’orifice de l’outre ». Et que ce même verbe, à partir de l'autre sens donné plus haut (infibuler), ait aussi servi plus tard pour traduire "relier des feuillets".
Citation: | la racine KTB est connue à Ougarit |
Pas seulement. J'ai donné hier, à 19.53, tous les cognats sémitiques, dont celui-ci. Mais que voulaient dire les mots en KTB ou KTP dans ces diverses langues, à part "écrire" ? Voilà ce qu'il faudrait savoir.
Pour revenir rapidement sur le latin legere, on n'a aucun document permettant de comprendre comment on est passé du sens agricole au sens intellectuel. C'est une des énigmes indo-européennes, et toutes les explications données sont un peu tirées par les cheveux. J'en proposerai donc probablement une autre un de ces jours. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 16 Feb 14, 0:12 |
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Je viens de trouver une autre racine dont le comportement rappelle étrangement celui de ktb, c'est la racine ḍbr : on trouve réunies sous cette racine la notion de "reliure, de brochure de feuillets écrits", et celle de "détachement qui fait des incursions et déprédations sur le territoire ennemi" (Kazimirski). C'est curieux, non ?
Reig donne une clef intéressante : c'est le mot ضبر ḍabr qui désigne la célèbre "tortue" des légions romaines, immortalisée dans les BD d'Astérix. Du patchwork, en quelque sorte. Encore la couture...
Un légionnaire, plus qu'un homme de troupe "choisi", est probablement un homme de troupe "relié, soudé" à un autre... L'union fait la force des armées.
Voir aussi le mot du jour dabar (hébreu). |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 03 Jul 14, 10:57 |
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Lire l'article Hypothèses sur l’étymologie de l’arabe كتيبة katība de Jean-Claude ROLLAND (= Papou JC en version babélienne).
Papou JC a écrit: | Cet article s’inspire largement d’une intervention sur ce sujet faite par l’auteur de ces lignes au cours de la séance de la SELEFA -Société d’Études Lexicographiques et Étymologiques Françaises & Arabes- le 20 mars 2014. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 29 Dec 14, 12:24 |
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Adel514 a écrit: | ...Cela vient du sens premier du même verbe qui est celui de rassembler les chevaux pour former une armée. |
J'ai poussé la recherche, j'en parlerai en détail un de ces jours. Je me contente pour le moment de revenir sur cette citation de Adel514, qui me paraît moins surprenante depuis que j'ai découvert l'existence d'un verbe كثب kaṯaba "réunir et amasser sur un seul point" dont notre كتب kataba n'est très certainement qu'une variante. À suivre. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 09 Aug 16, 8:00 |
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Cette étude est également désormais lisible dans Cours et Documents, Index : Langues sémitiques, Arabe.
Lire ICI - [ José ] |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 04 May 23, 10:18 |
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embatérienne a écrit: | Si, je t'ai bien lu, mais c'est la première hypothèse qu'il faudrait vérifier avant de s'embarquer dans une hypothèse étymologique. A-t-on les traces d'un ancien verbe utilisé vraiment pour "écrire" et a-t-on les traces de sa supplantation par kataba à une époque -- historique et donc probablement documentée -- où la popularité du codex cousu aurait été si grande qu'on ait changé de verbe pour écrire, car il ne me semble pas que ces supports soient bien anciens. Or la racine KTB est connue à Ougarit. Sur quoi écrivait-on là-bas ?
Il faudrait comparer avec ce qui se fait dans les autres langues, mais là, généralement, les mots liés à l'écriture attestent un stade très ancien de la technique d'écriture, non pas un des stades les plus récents du livre. |
Il n'est jamais trop tard pour répondre, surtout pour donner raison à quelqu'un, ce que je vais pouvoir faire, enfin, grâce à mon travail en cours sur les digrammes.
Cette remarque d'Embaterienne, était très juste. Je ne m'y suis pas tellement arrêté à l'époque, tellement j'étais convaincu, comme tout les arabisants, je crois, qu'il ne pouvait y avoir de livre sans l'écriture ni d'écriture sans le livre, ce qui est évidemment faux. Rien de tel en indoeuropéen : les mots qui désignent l'acte d'écrire n'ont rien à voir avec ceux qui désignent le livre, qu'il soit volumen ou codex. C'est par un curieux hasard semble-t-il, ou une amusante plaisanterie des langues sémitiques, que sous la mal nommée "racine" KTB il y a à la fois des mots pour l'activité d'écrire et d'autres pour l'objet livre.
Mais quant on recense bien, au moins en arabe, toutes les "racines" ayant la séquence KT comme séquence radicale, on découvre la polysémie de la racine KTB, en particulier les deux sens de "coudre, lier, relier" d'une part, et d'autre part celui de "laisser une marque, une trace, une empreinte.
Donc oui, l'écriture à bien précédé le livre mais c'est le même ensemble consonantique KT-B qui a aussi permis, bien plus tard, de désigner le livre relié, le codex (mais non le volume, autrement désigné).
Combien de temps me faudra-t-il pour convaincre les arabisants ? Voyons déjà si j'arrive à convaincre les Babéliens... |
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