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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3511 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 05 Mar 19, 10:18 |
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Papou JC a écrit: | Je me garderai bien d'établir la moindre comparaison entre dumb et d'autres membres moins muets de cette fumeuse famille, comme tifoso, par exemple. |
Je suivrai Papou dans sa prudence et me contenterai d'évoquer un autre membre de cette famille issue de la racine *dʰeu-, en l'occurrence avec l'extension *-bʰ- : le thème *dʰeu-bʰ- « profond » qui, avec le suffixe *-no-, conduit au gaulois dumnos « sombre, profond », écrit aussi dubnos, trahissant une plus ou moins grande nasalisation suivant les dialectes.
note : Pokorny pose plutôt dheu-b- : deep / tief, hohl mais une aspiration finale est soutenue par le grec βύθος [búthos] « profondeur [de la mer] » avec une double dissimilation.
Ce dumnos gaulois n'est, bien sûr, attesté qu'en composition dans une série de noms propres : Dumnonia, Dubnocouirus Eridubnos, Dumnotalus, Conetodubnus, Connetodumnus.
Mais il est soutenu par d'autres cognats celtiques : gallois dwfn, du cornique down, du breton doun, tous au sens de « profond ».
Ce qui m'intéresse ici, c'est que ce sens de « sombre, profond » a d'abord fournit naturellement le nom dumnos « monde d'en-bas » puis semble avoir évolué au sens de « monde » en général dans un personnage bien connu par ses démélés avec César, l'Éduen Dumnorix « roi du monde ».
Un tel glissement n'est pas sans exemple, le latin mundus a également été un monde d'en-bas avant de devenir le monde entier. En revanche, quand le mot est composé avec rix « roi », on laisse entendre que la royauté s'appuie, au moins en partie, sur des forces obscures et profondes dont, peut-être vaut-il mieux ne pas trop parler …
Et on en retrouve le thème en Irlande où c'est avec valos « celui qui règne, prince, souverain » qu'est formé un *Dumno-valos qui donnera le gaëlique Domnail (vieux gallois Dumngual ou Dumnagual, gallois Dyfnwal) et, finalement, le prénom écossais Donald !
Alors, les Donald hériteraient-ils d'un pouvoir s'appuyant sur des forces obscures ? Je n'y crois guère pour le petit canard de Disney, mais, pour d'autres … ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 05 Mar 19, 13:50 |
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Voir aussi dopage, où il a aussi été question de Donald.
Dernière édition par Papou JC le Tuesday 19 Mar 19, 7:05; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 05 Mar 19, 18:33 |
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Outis a écrit: | il est soutenu par d'autres cognats celtiques : gallois dwfn, du cornique down, du breton doun, tous au sens de « profond ». |
Pierre Gastal (Nos racines celtiques) ajoute l'irlandais domhaim et donne don pour le breton. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 06 Mar 19, 11:17 |
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La variation don/doun est dialectale. Comme le montre la carte 176 de l'ALBB, don /dɔ̃:n/ est la forme de la Cornouailles, du Trégor et d'une grande partie du Vannetais, alors que doun /du:n/ est la forme léonarde avec l'évolution o > ou devant nasale classique de ce dialecte. Les formes en ou, qui bénéficiaient du prestige du léonard, étaient considérées comme plus littéraires jusque dans l'Entre-Deux-Guerre. Ce sont elles qu'on trouve en entrée principale de certains vieux dictionnaires, comme celui du colonel Troude, contre les formes en o dans les dictionnaires récents. Je suppose que les lexicographes non-bretonnants ne sont pas au courant de ces changements d'orthographe et qu'ils collent à leurs sources, qui peuvent être anciennes.
Un proto-celtique dubnos devrait donner régulièrement un breton *down identique au cornique, tout comme *obnu- "peur", déjà attesté par le gaulois Ex-obnus "sans peur", donne own "peur" (souvent rangé sous une forme évoluée aon dans la lexicographie). J'ignore pourquoi la diphtongue s'est fermé dans la plus grande partie du domaine bretonnant, mais l'ALBB atteste encore de formes périphériques diphtonguées : /dœɥn/ à Hoëdic (point 81) et /deɔ̃nᵊ/ au Bourg de Batz (point 90). La fermeture de la diphtongue doit être ancienne, puisque les formes vannetaises /dɔ̃:n/ suggèrent que la fermeture a précédé la palatalisation /ɔw/ > /əɥ/ que subit normalement cette diphtongue dans ce dialecte. Les formes /dø:n/ de la péninsule de Ruiz indiquent peut-être que la fermeture de la diphtongue a été localement plus tardive et qu'elle a, dans ces localités, été postérieure à la palatalisation /ɔw/ > /əɥ/. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 06 Mar 19, 13:28 |
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En toponymie, Pégorier donne don profond dans le "Finistère" et doun creux, profond en "Bretagne".
Il y a des lieux plus ou moins bien connus des non bretons dans lesquels entre l'un ou l'autre de ces deux adjectifs ? (Pour aider notre mémoire).
NB : le mot du jour ne doit pas être confondu avec duno "colline", un des composants les plus fréquents en toponymie gauloise (Verdun, Meudon, etc. Voir dune.) |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 06 Mar 19, 15:01 |
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Sur ce coup, les renseignements du Pégorier ne sont pas d'une exactitude folle, mais c'est bien normal pour un ouvrage qui couvre un territoire aussi vaste et aussi varié linguistiquement que celui de la France.
Je ne vois pas de tels macrotoponymes qui seraient connus dans la France entière. Mais en microtoponymie, ce ne sont pas les Prat Don "pré creux" ou les Pors Doun "port profond" qui manquent. |
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