« Un vaste terrain vague pour vacanciers »
La famille VIDE
Patriarche indoeuropéen : *W- (*WAS-NOS, *WAS-TOS, *WŌST-), « vide »
Les branches
1. De l'extension *WAS-NOS de notre racine sont issus les mots latins
vanus, « vide »,
vanitas, « état de vide, fanfaronnade, frivolité », et le verbe
evanescere, « disparaître ». On reconnaîtra les descendants français de ces derniers à leur radical -
van- :
vanité, vaniteux, vanter, vantard, vantardise, évanescent, évanescence, s’évanouir, évanouissement
2. De l'extension *WAS-TOS sont issus les mots latins
vastus, « désolé, désert, immense » et
(de)vastare, « ravager ». On reconnaîtra les descendants français de ces derniers à leur radical -
vast- :
vaste, vastitude, dévaster, dévastateur, dévastation
3. Un autre groupe d'ancêtres latins se rattache à cette famille :
vacuus, « vide »,
vacare, « être vide, être libre, avoir du temps pour »,
vacatio, « dispense »,
evacuare, « vider ». On en reconnaîtra les descendants à leur radical -
vac- :
vacant, vacance, vacancier, vacation, vacataire, vacuité, vacuum, évacuer, évacuation, évacuateur
4. Il a existé en latin une forme
vocuus, variante archaïque de
vacuus. Le mot français
vide est issu de ce
vocuus, via un latin vulgaire *
vōcita, fém. de *
vōcitus, puis les formes intermédiaires
voide et
vuide. Sont à leur tour dérivés de
vide :
vider, videur, vidange, vidanger, vidangeur, dévider, dévidoir, évider
5. Enfin de l'extension *WŌST- de notre racine est issu le latin vulgaire *
wastare, altération - sous l’influence du radical germanique *
wōst- (> allemand
wüst, Wüste et anglais
waste) - du latin classique
vastare (branche 2). Le
w germanique aboutissant généralement à un
g français, sont issus de cette source un petit nombre de mots qui se reconnaissent à leur radical -
gât- :
gâter, gâterie, gâteux, gâtisme, dégât
Les invités masqués
1. Avec son
q au lieu d'un
c,
vaquer est trop mal déguisé pour ne pas être immédiatement reconnaissable. Emprunté au XIIe s. au latin classique
vacare (branche 3), dont le sens figuré, “avoir du temps libre, être oisif”, a abouti - le temps libre étant utilisé - à
vaquer à qqch qui signifie « s'occuper de qqch ». En fait, le verbe ne s'utilise plus guère que dans la locution verbale
vaquer à ses occupations.
2. Comme on le verra plus loin, il y a plusieurs homographes
vague mais l'un d'eux, adjectif, est issu du latin classique
vacuus (branche 3). Il ne s'utilise plus que dans la locution nominale
un terrain vague, désignant une surface urbaine sans constructions ni cultures.
3. Lui non plus n'est pas très bien déguisé. Malgré ce
i placé entre
a et
n, on sent bien que
vain est de la famille et issu de
vanus (branche 1). Adjectif, il s'utilise aussi nominalement dans la locution adverbiale
en vain. Dérivé :
vainement.
Curiosités
1.
« La nature a horreur du vide » : cette affirmation d'Aristote fut remise en cause à partir du XVIe et surtout du XVIIe siècles, notamment par Pascal. Sur ce sujet, et sur la notion de « vide » en général, on lira avec profit
L’histoire du vide , par Pierre Marage.
2.
« Vanitas vanitatum et omnia vanitas » : « vanité des vanités, tout n'est que vanité » : ce célèbre refrain ouvre et clôt le livre de l'Ecclésiaste (Bible). Lire sur le site Wikipedia les deux articles «
Ecclésiaste » et «
Vanité ».
Homonymes et faux frères
1. Il y a
vanter et
venter !
Venter, c'est faire du « vent », et la
vente, c'est l'action de « vendre ». En contexte, on ne confond généralement pas ces mots, mais il arrive qu'on hésite sur l'orthographe ... surtout si le
vantail, l'
éventail et l'
épouvantail se mettent de la partie !
2. Il y a
vague, vague et
vague !
- Outre l'adjectif
vague vu plus haut en compagnie de
terrain, il y a un autre adjectif
vague, emprunté au latin classique
vagus, « qui va à l'aventure » et, au figuré, « inconstant, ondoyant », « indéterminé, indéfini ». L'origine de
vagus est inconnue, le rapport avec
vacuus n'étant pas établi.
Vague a des emplois nominaux (au masculin), notamment dans les locutions
avoir du vague à l'âme et
rester dans le vague. Dérivé :
vaguement.
- Et il y a le nom féminin
vague. Francisation de
wage, c'est un mot d'origine incertaine, probablement apparenté à l'anglais
wave, mais il est difficile d'aller plus loin.
- Quant à
vaguemestre, c’est un emprunt au néerlandais
wagenmeester, « officier chargé de veiller à la bonne marche des convois militaires ». (Voir famille WAGON).
3. Il y a
gâterie et
gâteau !
Un
gâteau peut être une forme de
gâterie mais le mot n’est pas dérivé de
gâter. Par l’intermédiaire des formes
gastels, gastiax, gastiau et
gasteau, il semble issu d’un latin populaire *
wastellum, qui viendrait lui-même du francique *
wastil, “nourriture”. Une autre hypothèse rapproche
gastel du moyen français
gasche, “galette”, dérivé de
gâcher, “mouiller le plâtre” et suggère un étymon gallo-romain *
vasitare, “faire une pâte”.
Dans d’autres langues indoeuropéennes
esp.
desvanecer, evacuar, gastar, vaciar, vacío, vano, vastar
port.
desvanecer, evacuar, gastar, vácuo, vão, vasto, vazar, vazio
it.
devastare, guastare, svanire, vacanze, vacuo, vano, vasto, vuotare, vuoto
angl.
avoid, devastate, evacuate, vacant, vacuum-cleaner, vain, vanish, vanity, vast, vaunt, void, want, waste
all.
wüst, Wüste
rus.
ваканция, вакуум
Notes
1. En complément, on trouvera sur le
forum Babel plusieurs échanges portant sur tel ou tel des mots rencontrés dans ce chapitre, notamment
dégât ,
gâter ,
vague ,
vain ,
vaquer