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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 12 Sep 10, 18:16 |
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Aujourd'hui dimanche, je vous propose quelques curieux dérivés du latin dominus, "seigneur, maître", comme chacun sait.
- danger : en ancien français dangier ou dongier, est issu du bas latin *dominarium, puis *domnarium, “pouvoir”, dérivé de dominus. Le mot aurait été employé en Gaule du Nord pour dominium, “propriété, droit de propriété”, d’où “domination, puissance” et “droit”. Le sens moderne (XIVe s.) s’est probablement dégagé de la locution en danger de, “au pouvoir de qqn, à sa merci”, qui serait passée au sens de “en craignant l’action de qqn”.
- donjon est issu d’un latin tardif *dominionem attesté au XIe s. au sens de “tour maîtresse” sous la forme domnionus donnant donjo, dangio, etc.
- dueño (esp.), "maître, propriétaire", fém. dueña, est lui aussi dérivé de dominus. Notre duègne n'est autre que son féminin francisé.
Un autre dérivé de dueño est le mot duende, "lutin, charme", très usuel en Espagne, où il est important d'avoir du charme (tener duende). D'après le DRA, le mot est l'abréviation de duen (= dueño) de casa, "maître de maison" ; un peu le "fou du logis", en quelque sorte.
Dernière édition par Papou JC le Sunday 02 Oct 11, 20:49; édité 1 fois |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10944 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 13 Sep 10, 11:14 |
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Evoquer le duende, c'est parler du flamenco.
Extrait du site techniques-psychotherapiques.org. Lire ICI l'intégralité de l'article.
Citation: | Introduction
Le « duende » est un mot espagnol intraduisible en langue française. Il témoigne de l’indiscible rencontré dans des moments de grâce de l’art flamenco. Sa mystérieuse signification semble indiquer, au delà des divergences culturelles, une facette de notre expérience habituellement passée sous silence.
Après avoir approché par différentes « touches » ce que désigne le duende, nous utiliserons le vocabulaire de Merleau-Ponty pour décrire la structure générale d’expérience qui s’y dévoile comme expérience originaire de rencontre corporelle avec le monde. Puis nous reviendrons à des interrogations sur la rencontre psychothérapeutique comme expérience comparable, en certains points, à l’expérience artistique du duende.
Première partie : Qu’est-ce que le duende ?
Présentation du duende dans son contexte culturel
Dans le dictionnaire de la langue espagnole2 , le duende a deux significations. Premièrement, et conformément à l’étymologie du mot, qui dérive de « dueño de la casa » (maître de la maison), le duende est un esprit qui, d’après la tradition populaire, habite certaines maisons en y causant quelques dérangements. Il s’agit d’une sorte d’esprit follet, de démon ou de lutin qui parcourt et intervient dans l’intimité des foyers.
Le deuxième sens du mot est enraciné dans la région andalouse et la culture du flamenco. Le duende désigne alors littéralement « un charme mystérieux et indiscible ».
Les deux significations tendent, en commun, vers une sorte de présence magique ou surnaturelle qui, dans le premier cas est personnifiée, et qui dans le deuxième cas reste plus brute, moins définie.
C’est en lisant certains textes de Federico Garcia Lorca qu’on peut parvenir à mieux cerner les facettes de cette expérience. Garcia Lorca en témoigne en musicien, qu’il fut pendant ses jeunes années, et en poète, notamment dans une conférence écrite en 1930, intitulée « La théorie et le jeu du duende »3 .
Le duende se manifeste, typiquement, dans le contexte d’un rassemblement familial et amical de la communauté gitane andalouse, réunie pour boire et pratiquer les danses et chants flamencos (la juerga flamenca). Lors de cette fête, à chaque instant, un chanteur ou une danseuse, émerge du public pour sa performance, puis retourne dans la masse pour céder sa place à un autre membre de l’assistance. En somme, chaque participant est potentiellement capable de fournir, à un moment donné, une prestation soliste. En attendant, il prend part à l’accompagnement qui assure la cohésion de l’assistance (palmas, jaleo, qui ponctuent et rythment le spectacle ; exhortations codifiées qui encouragent le soliste).
Alors, il peut arriver que le duende soit convoqué : il apparaît lorsque l’émotion est à son comble, au cours d’un moment de connivence totale entre le soliste et l’assistance. Il s’observe à travers des manifestations comportementales qui peuvent être spectaculaires et évocatrices de scènes d’envoûtement : les participants se mettent à déchirer leurs vêtements, où plus discrètement, pleurent, s’embrassent, se donnent l’accolade4.
Bien que cette notion prenne sa source dans l’histoire et la culture de la région andalouse, elle déborde largement ce contexte et s’éprouve en d’autres lieux et circonstances : « Lorsque cette évasion s’accomplit, tout le monde en ressent les effets : l’initié qui admire comme le style triomphe d’une manière pauvre, et le profane qui éprouve confusément une émotion authentique5 » et « Tous les arts sont susceptibles de duende6 » . Autrement dit, il y a sous le mot duende une expérience universelle, un phénomène. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10944 Lieu: Lyon
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écrit le Tuesday 14 Sep 10, 12:07 |
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TLF a écrit: | Donjon :
issu du lat. vulg. *dominio, -onis, dér. de dominus « seigneur »
plutôt que du frq. *dungjo « lieu où travaillent des femmes » |
La piste du francique est-elle définitivement abandonnée par les linguistes ?
Dans quelles autres langues (hormis l'anglais dungeon, hérité du français) a-t-on un synonyme de donjon issu de la même racine latine ? Donjon serait-il une création "exclusivement française" ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 14 Sep 10, 20:03 |
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Beaucoup de mots français sont des créations "exclusivement françaises". Les cas ne sont pas rares. Sans aller chercher bien loin, c'est aussi le cas de danger qui se dit peligro en castillan et pericolo (sauf erreur) en italien.
Quant à la piste francique de donjon, je ne l'ai trouvée nulle part ailleurs que dans le TLF qui privilégie la latine, comme on peut voir.
Dernière édition par Papou JC le Wednesday 15 Sep 10, 11:22; édité 1 fois |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10944 Lieu: Lyon
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écrit le Wednesday 15 Sep 10, 11:01 |
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En anglais, à côté de dungeon / donjon, on trouve également keep. |
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András Animateur
Inscrit le: 20 Nov 2006 Messages: 1488 Lieu: Timişoara, Roumanie
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écrit le Wednesday 15 Sep 10, 14:39 |
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Le roumain a gardé la forme la plus proche de dominus > domn, et aussi du féminin domina > doamnă 'dame, madame'. Domn est utilisé aussi bien avec le sens 'seigneur', y compris pour Dieu, qu'avec le sens 'monsieur', mais avec des formes différentes pour le vocatif: Doamne! 'Seigneur (Dieu)'! et domnule! 'Monsieur!', respectivement. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 15 Sep 10, 14:44 |
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Et comment dit-on danger et donjon en roumain ? pericol (issu du latin ou emprunt à l'italien) et donjon (emprunt au français), c'est ça ? |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Wednesday 15 Sep 10, 19:26 |
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J'ai trouvé des textes médievaux latin en Italie qui avaient le mot dominczonem. |
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András Animateur
Inscrit le: 20 Nov 2006 Messages: 1488 Lieu: Timişoara, Roumanie
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écrit le Thursday 16 Sep 10, 15:19 |
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Papou JC a écrit: | Et comment dit-on danger et donjon en roumain ? pericol (issu du latin ou emprunt à l'italien) et donjon (emprunt au français), c'est ça ? |
Pericol est emprunté à l'italien et donjon au français. Pour le second il n'y a pas de mot roumain ancien (hérité ou emprunt), mais pour le premier il y a un mot plus anciennement emprunté au slave, primejdie. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 02 Oct 11, 20:46 |
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Voir aussi le MDJ dandjî (wallon), mot qui, à mon avis, fait partie de la famille. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10944 Lieu: Lyon
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écrit le Friday 07 Oct 11, 14:57 |
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dongione - maschio / mastio = donjon
La racine est la même que pour maschio au sens de mâle / garçon :
- lat. mascŭlus, dim. de mas «maschio»
Question aux latinistes :
- mas en latin a-t-il uniquement le sens de mâle et mascŭlus celui de garçon ?
en italien, maschio signifie aussi bien mâle que garçon
mastio : toscan populaire
il Maschio Angioino : le Château d'Anjou
il Mastio di Volterra (près de Pise - Toscane) |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10944 Lieu: Lyon
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Gaspard
Inscrit le: 06 Aug 2008 Messages: 215 Lieu: France
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écrit le Tuesday 03 Feb 15, 18:27 |
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Dominus a aussi donné en plus de Dueño / Dueña les formes sans diphtongue Don / Doña utilisées dans les formules de politesse.
Plus original, dans les dialectes catalans, les formes En / Na auraient le même usage et la même origine que Don / Doña.
Voir: http://etimologias.dechile.net/?don |
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