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Pierre
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 1188 Lieu: Vosges
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écrit le Wednesday 02 Mar 05, 22:43 |
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Le mot brouhaha semble fabriqué pour imiter le bruit confus s'élevant par exemple d'une grande assemblée.
Il s'agirait de l'emprunt - déformé - d'une formule hébraïque tirée du Psaume 113 et souvent répétée à la synagogue :
- baruk habba qui signifie : béni celui qui vient |
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Nikura
Inscrit le: 08 Nov 2005 Messages: 2037 Lieu: Barcino / Brigantio
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écrit le Wednesday 09 Aug 06, 15:26 |
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En catalan, le mot "brouhaha" se dit el guirigall (également en espagnol el guirigay). Le mot prête à rire lorsqu'on sait que "un guiri" c'est le nom péjoratif qu'on donne aux touristes ou aux étudiants Erasmus. Donc "un guirigay" pourrait laisser entendre une certaine orientation. Mais il n'en est rien. Le mot "guiri" provient justement de ce mot là, en référence au fait que les touristes étrangers sont fort bruyants en Espagne.
En espagnol on dira aussi algarabía que l'on peut facilement rapprocher de note mot "charabia". |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11119 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 04 Apr 10, 14:04 |
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On peut relier ce mot à un autre mot du jour, barack, lui d'origine arabe, car il est de la même racine sémitique brk qui signifie « bénir ». d'où est issue la baraka, familier pour "la chance", emprunté directement à un mot arabe qui signifie « bénédiction, faveur du ciel ». On retrouve cette racine dans les prénoms ou patronymes Barak, Barack, Moubarak, et Baruch (prénom de Spinoza, lequel préférait se faire appeler Benedictus). On souhaite à tous les vivants d'avoir la baraka. |
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Abdüssalâm
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 909 Lieu: Aiguillon
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écrit le Sunday 04 Apr 10, 14:10 |
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Nikura a écrit: | En espagnol on dira aussi "algarabía" que l'on peut facilement rapprocher de note mot "charabia". |
algarabía vient de al-3arabiyya (la langue arabe), mais j'ignore si "charabia" vient du même mot via le castillan ou directement de "meš 3arabiya" (ce n'est pas de l'arabe!). |
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shlomoavital
Inscrit le: 19 Apr 2008 Messages: 129
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écrit le Sunday 04 Apr 10, 17:21 |
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Pierre a écrit: | Le mot brouhaha semble fabriqué pour imiter le bruit confus s'élevant par exemple d'une grande assemblée. Il s'agirait de l'emprunt - déformé - d'une formule hébraïque tirée du Psaume 113 et souvent répétée à la synagogue : << Baruk habba >> qui signifie << Béni celui qui vient >>. |
ברוך הבא [barukh haBa] est aujourd'hui l'expression consacrée pour souhaiter la bienvenue à quelqu'un, avec ses variantes [brukha haBa'a], [brukhim haBa'im], [brukhot haBa'ot] en fonction des personnes (m.sing., f.sing., m.plur., f.plur.). |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Sunday 11 Sep 11, 15:41 |
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Abdüsseläm a écrit: | le g de l'espagnol me semble plutôt une façon de transcrire le 3ayn qui devait être fortement marqué dans le dialecte andalusî. Ils en ont même mis un à wâd: guadalquivir > wâd-al-kbîr |
Je confirme pour w > gu. J'ai des amis espagnols d'Andalousie (Grenade et Málaga) qui, en parlant anglais, ont tendance à transformer les "what" en "gwat".
Et également, leurs G durs se prononcent beaucoup moins occlusifs, soit comme des R français, soit encore quasi silencieux (le mot "guapa" (jolie) s'entend parfois prononcé "wapa"). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11119 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 23 Dec 12, 9:57 |
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Papou JC a écrit: | On peut relier ce mot à un autre mot du jour, barack, lui d'origine arabe, car il est de la même racine sémitique brk qui signifie « bénir ». d'où est issue la baraka, familier pour "la chance", emprunté directement à un mot arabe qui signifie « bénédiction, faveur du ciel ». |
Je me complète :
En akkadien, "bénédiction" se dit karābu. C'est la même racine, avec métathèse. En sont issus l'arabe كروب [karūb], “ange, chérubin”, l’hébreu korban, “béni, offert”, et donc le fr. chérubin. |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6510 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Sunday 23 Dec 12, 22:18 |
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Selon Gamillscheg (1887-1971), brouhaha aurait été, dans le théâtre médiéval, le cri du Diable déguisé en homme d'église.
Source : etymonline
Addendum :
Il semble que le Diable s'exclame ainsi parce qu'il prétend venir [au nom du Seigneur] et être béni pour cela (baruk habba = béni celui qui vient).
Dernière édition par Jacques le Monday 24 Dec 12, 19:46; édité 1 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3833 Lieu: Paris
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écrit le Monday 24 Dec 12, 11:54 |
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Le TLFi donne des détails supplémentaires :
Citation: | ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1548 loc. interjective attribuée au diable, destinée à inspirer la terreur (Farce du Savetier, Ancien Théâtre fr., p. p. M. Viollet le Duc 1854, t. 2, p. 137 : Audin : Je prie à Dieu que le grant dyable Te puisse emporter. Le curé, habillé en dyable : Brou, brou, brou, ha, ha, Brou, ha, ha. Audin : Jésus, Notre-Dame! Le Grant dyable emporte ma femme); 2. 1552 subst. (Ch. Estienne, Dictionarium latinogallicum, s.v. tragoedias agere : faire d'ung neant une grande chose, faire ung grand brouhaha pour un rien); 1659 « bruit confus marquant l'approbation des spectateurs dans un théâtre » (Molière, Les Précieuses ridicules, éd. du Seuil, 1962, p. 107, scène IX); qualifié de ,,fam.`` par l'Ac. 1718-1932; av. 1755 « bruit confus » (Saint-Simon, Mémoires, 64, 65 dans Littré : Ce brouhaha de passer dans la pièce d'audience était toujours assez long). Orig. discutée. L'hyp. la plus probable semble être celle d'une altération onomatopéique de l'hébr. (FEW t. 20, p. 24; EWFS2; Bl.-W.5; Lok., no256; REW68, no968) bārūkh habbā « béni soit celui qui vient » (formule complète : bārūkh habbā beshēm adonāï « béni soit celui qui vient au nom du Seigneur », Psaume 118, 26, par laquelle les Lévites accueillaient le peuple se dirigeant vers le Temple) : ces paroles, fréquemment empl. dans les prières juives, auraient été déformées par ceux qui ignorent l'hébreu. Pour la formule attribuée au diable et le sens péj., cf. sabbat « jour de repos des juifs » et « assemblée nocturne de sorciers et de sorcières ». L'hyp. d'une orig. purement onomatopéique est soutenue par Mén. 1750, DG, Dauzat 1968, Sain. Sources t. 3, pp. 150-151; le texte de Rabelais cité par ce dernier (Le Quart Livre, 1552, XIII, 61-67, éd. R. Marichal, 1947, p. 84 : tous sortirent on chemin au davant de luy [...] sonnans de leurs cymbales et hurlans en diable : « Hho, hho, hho, hho, brrrourrrourrrs, rrrourrrs, rrrourrrs. Hou, hou, hou. Hho, hho, hho. Frere Estienne, faisons nous pas bien les Diables? ») pourrait n'être qu'une autre adaptation burlesque du psaume 118 (dans les deux cas il s'agit d'une formule d'accueil) par imitation de la Farce du Savetier. |
J'avoue que cette origine hébraïque me semble très tirée par les cheveux et je me range plus volontiers aux côtés de ceux qui ne voient qu'une simple onomatopée. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11119 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 24 Dec 12, 12:45 |
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Le DHLF en dit un peu plus sur l'origine hébraïque, qu'il considère aussi comme la plus probable. Je cite :
Cette étymologie est soutenue par l'italien d'Arezzo barrus cabá, "confusion, désordre" et par le fait que d'autres emprunts aux prières hébraïques sont attestées (italien badanai et badananai, "rumeur de gens qui bavardent", de l'hébreu be adonai, "Ah ! Seigneur !". |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3833 Lieu: Paris
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écrit le Monday 24 Dec 12, 13:46 |
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Comme d'habitude, le DHLF se contente de pomper essentiellement le TLF, avec éventuellement un petit plus venant de Bloch & Wartburg. Mais bon, nous faisons tous un peu ça, faute d'avoir la capacité à trouver nous-mêmes des étymologies originales. Toutefois, le DHLF copie mal, je crois, avec ce barrus cabá d'Arezzo. Les textes majoritaires que je peux lire en ligne parlent plutôt de l'arétin baruccabá (cf. ici). Peut-être le double "r" vient-il de Bloch & Wartburg, que je n'ai pas sous les yeux d'où j'écris, puisqu'il est repris dans la longue dissertation qu'on trouve là sur l'origine de brouhaha. Malgré les pages manquantes, il me semble que l'auteur a du mal à accepter l'origine hébraïque telle qu'on nous la présente usuellement.
On trouve des commentaires intéressants ici et là sur les premières attestations de brou ha ha dans des farces. Du fait de la répétition du mot brou, et même de son emploi seul, je reste plus porté à croire qu'il y a bien là une onomatopée ; ce mot brou, en roulant le "r", est bien propre à susciter la peur associée au personnage du diable, et les "ha ha" qui suivent pourraient évoquer son rire sardonique.
Le sens de "confusion, désordre" mentionné par le DHLF semble nous ramener aux étymologies mentionnées dans le fil "baragouiner". Cf. aussi les parallèles faits ici. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11119 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 24 Dec 12, 17:30 |
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Tu as probablement raison.
Ce serait une bonne chose, un jour, que de consacrer un fil - il existe, voir ICI - à ce type de mots, car je reste néanmoins persuadé que, d'une langue incomprise à une autre, on se jette à la figure des fabrications reposant sur ce qu'on croit percevoir des sons de sa propre langue dans la langue de l'autre, avec les transformations consonantiques et vocaliques qui s'imposent lorsque deux langues s'entrechoquent. Et plus les couples de langues sont différents, plus les transformations sont grandes. Je pense que le français doit avoir des exemples de ces rencontres avec l'allemand, l'hébreu, l'arabe et, dans une moindre mesure, le chinois. Des expressions comme C'est de l'hébreu ou C'est du chinois, sont ou ont été courantes pour dire "Je n'y comprends rien."
De même entre l'espagnol et l'arabe, longtemps obligés de cohabiter sur le même territoire, il doit y avoir eu un certain nombre de ces mots qui voulaient dire quelque chose dans une langue et ne signifiaient plus que charabia dans l'autre.
Je passe sur les Barbares et les Grecs, exemple maintes fois cité et bien connu.
Enfin, un dernier point, les religions font un grand usage des formules psalmodiées répétées inlassablement à haute voix dans les processions ou grands rassemblements. Il ne faut pas s'étonner que certaines formulations aient fini par pénétrer dans la mémoire des auditeurs ignorant la langue en question pour en ressortir sous une forme signifiant quelque chose comme charabia.
Tout ça pour dire que oui, il doit y avoir des onomatopées parmi ces mots, mais pas seulement, et qu'il n'est pas vain, à chaque occasion, de vérifier cette origine onomatopéique, laquelle n'est trop souvent qu'un aveu d'impuissance et une solution un peu facile. |
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