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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Thursday 28 Apr 16, 18:53 |
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Le danois kvinde, femme, et sa variante kone, épouse, me rappellent étrangement une racine que je suppose *kun- qui ressemble étrangement aux mots pour le roi dans les langues germanique: konge, king, König, koning etc.
On m'a appris un certain *kuna, "kunja qui aurait signifié famille mais franchement, c'est du ouï-dire d'université. Je m'en remets donc à vous pour des éléments de comparaison et une analyse plus solide que mes souvenirs d'étudiants. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 28 Apr 16, 20:13 |
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Ce mot danois a-t-il des cognats dans les autres langues scandinaves ? |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 28 Apr 16, 20:53 |
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Oui, et c'est bien de la famille de l'anglais "queen", mais le sens initial général est simplement femme. Il s'est spécialisé en "femme de roi = reine" en anglais.
Citation: | queen (n.)
Old English cwen "queen, female ruler of a state, woman, wife," from Proto-Germanic *kwoeniz (cognates: Old Saxon quan "wife," Old Norse kvaen, Gothic quens), ablaut variant of *kwenon (source of quean), from PIE *gwen- "woman, wife" supposedly originally "honored woman" (cognates: Greek gyné "a woman, a wife;" Gaelic bean "woman;" Sanskrit janis "a woman," gná "wife of a god, a goddess;" Avestan jainish "wife;" Armenian kin "woman;" Old Church Slavonic zena, Old Prussian genna "woman;" Gothic qino "a woman, wife; qéns "a queen").
The original sense seems to have been "wife," specialized by Old English to "wife of a king." In Old Norse, still mostly of a wife generally, as in kvan-fang "marriage, taking of a wife," kvanlauss "unmarried, widowed," kvan-riki "the domineering of a wife.
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http://www.etymonline.com/index.php?allowed_in_frame=0&search=queen
https://books.google.fr/books?id=lSDJ4CQHzwAC&pg=PA192#v=onepage&q&f=false |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Thursday 28 Apr 16, 21:48 |
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José a écrit: | Ce mot danois a-t-il des cognats dans les autres langues scandinaves ? |
Oui, c'est le mot chez tout le monde:
DK kvinde, kone
NO kvinne, kone
SE kvinna
IS kona mais aussi kvæna qui viendrait d'un vieux norrois kván pour épouse et kvæna comme verbe pour "épouser une femme".
On trouve comme étymologie wikipédienne Proto-Germanic *kwenǭ, du Proto-Indo-European *gʷḗn.
Alors que pour les mots qui ressemblent mais dans un sens masculin, comme king/konge/König/koning etc., on aurait Proto-Germanic *kunja pour "Famille, clan par les liens du sang".
C'est proche, non? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11172 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 28 Apr 16, 23:09 |
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Je reproduis ici, en bleu et extrait du MDJ drag-queen, un échange entre ElieDeLeuze et moi-même :
ElieDeLeuze : Pour l'allemand, König est bien de la même racine, notée *kun et *kunja.
Papou JC : Non, König et queen relèvent de deux racines différentes : queen relève de la racine *gʷen-, "femme", alors que l'anglais king et l'allemand König relèvent de la racine *gen-, "faire naître, engendrer" (voir la grande famille GENS et le MDJ king / König).
ElieDeLeuze : Dans mes cours de vieil-islandais, c'était la même racine. Je ne te promets pas de retrouver la trace de mon prof de Göttingen, mais si je le revois, je lui dirai.
Ce que je trouve difficile en partant d'un point de vue de germaniste/scandinaviste, c'est que la seule différence entre les deux racines est la vélarisation du k- initial, ou autrement dit les voyelles u d'un côté et we de l'autre. Car la déclinaison islandaise montre Kvenn- au génitif pluriel (si mes souvenirs sont bons) et kon- pour le reste. La différence entre kun- pour le roi et kon- pour la femme est trop ténue pour ne pas y voir un rapport.
J'avoue cependant qu'il faudrait démontrer ce rapport, et je pense qu'il faut sortir du protogermanique pour trancher.
J'ai récemment cru pouvoir donner raison à ElieDeleuze à partir de mots iraniens (persan, pehlevi, avestique, etc.) trouvés ici ou là, notamment l'avestique zan donner naissance à (racine *gen-) et le persan zan femme (racine *gʷen-).
Pour en avoir le coeur net et m'assurer de ne pas dire de sottise, je suis remonté le plus haut possible, jusqu'au dictionnaire de nostratique de Dolgopolsky, et là, il m'a bien fallu me rendre à l'évidence : les mots désignant le roi et la reine dans les langues germaniques et scandinaves relèvent bien de deux racines différentes : la racine *gʷen- n'a fondamentalement que le seul sens de femme, être humain de sexe féminin, alors que la racine *gen- a fondamentalement celui de augmenter sa famille, principalement par naissance mais aussi par mariage, comme on le voit bien en français par les deux mots engendrer et gendre. Autre exemple intéressant et significatif : c'est sous cette même racine nostratique (et non sous l'autre) que Dolgopolsky place l'arabe كنّة kanna belle-fille, femme du fils ou belle-soeur, femme du frère.
Références : Dolgopolsky nº 896 (femme) et 900 (famille)
Et croyez-moi, si Dolgopolsky ne rapproche pas ces deux racines l'une de l'autre, c'est que vraiment il ne peut pas le faire !
Maintenant, au vu de la proximité morphosémantique de ces deux racines - car c'est quand même bien la femme qui enfante ! - il n'est pas absurde d'imaginer que, dans la plus haute préhistoire, un même cri monosyllabique pouvait signifier à la fois l'un et l'autre, mais ça, je doute qu'on puisse un jour le prouver... Au vu du caractère monosémique de la racine *gʷen-, elle a toutes les apparences d'une extension de la racine *gen- par incrémentation interne. D'un point de vue sémitique et donc purement consonantique, on dirait que ces deux racines relèvent de la même séquence bilitère GN, avec variante KN possible.
Ajouts personnels à la rubrique 900 de Dolgopolsky : les racines arabes نكح nkḥ "copuler, épouser", et نيك nyk "copuler" (> argot fr. niquer). On a le choix entre la métathèse et la réversibilité de l'étymon {k,n} (Bohas). |
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