Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1895 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Saturday 29 Oct 11, 12:59 |
|
|
J'ai donc appris que Fagus sylvatica se trouve en Corse: une lacune étonnante du Larousse des arbres, où "il est absent du bassin méditerranéen".
Je vois que nous reprenons une discussion entamée au fil Puy du Fou.
Il me reste encore quelques questions qui me turlupinent.
L'origine latine du breton Guénémé penfao. Et le breton fav, prononcé faw, comme en wallon.
L'évolution serait alors du g vers w, dans les régions gallo-romanes, alors que, si j'ai bien compris la leçon, les lois phonétiques donnent une évolution inverse...Peut-être cette évolution w>g ne concerne-t-elle que le w à l'initiale?
Enfin, il y a bien un celte *bhagos, attesté en toponymie?
Dernière édition par dawance le Sunday 30 Oct 11, 9:44; édité 1 fois |
|
|
|
|
MiccaSoffiu
Inscrit le: 24 Jun 2008 Messages: 463 Lieu: Capicursinu-Sophia
|
écrit le Saturday 29 Oct 11, 14:25 |
|
|
Finissons donc de combler la lacune avec un nom de village Corse assez pertinent : Moltifao/Multifau : littéralement « beaucoup de hêtres »
Canton de Castifao/Castifau. …pour ce dernier malgré les apparences, dans l’état, rien ne prouve une relation avec le « fau » qui nous intéresse.
Dernière édition par MiccaSoffiu le Saturday 29 Oct 11, 16:21; édité 2 fois |
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6529 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Saturday 29 Oct 11, 14:37 |
|
|
Le dieu Fagus ?
Selon le Wikipedia anglophone, Fagus serait le nom d'une divinité. Son nom est connu de 4 inscriptions trouvées dans les Hautes Pyrennées (*). Notons que la langue locale était apparentée au proto-basque, pas aux langues celtes.
wikipedia.com a écrit: | In Gallo-Roman religion, Fagus was a god known from four inscriptions found in the Hautes-Pyrénées.[1] The language of this Aquitanian region has been linked to Proto-Basque, rather than to Celtic. Fāgus is Latin for beech.[2] |
(*) Nicole Jufer & Thierry Luginbühl (2001). Les dieux gaulois : répertoire des noms de divinités celtiques connus par l'épigraphie, les textes antiques et la toponymie. Paris: Editions Errance. ISBN 2-87772-200-7.
Hypothèse :
Si ceci est vrai, certains toponymes apparentés à fagus pourraient être associés au culte du dieu Fagus, pas nécessairement à l'arbre.
Addition :
Voir aussi :
http://www.scribd.com/doc/57083297/arbres-et-bois-sacres-dans-le-monde-celtique-et-gallo-romain (Thierry Luginbühl)
Dernière édition par Jacques le Friday 04 Nov 11, 22:04; édité 1 fois |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Saturday 29 Oct 11, 19:38 |
|
|
Citation: | Enfin, il y a bien un celte *bhagos, attesté en toponymie? |
En Piemont il y a Benevagienna, composé de Bene<Bennae (= cabanes) et Vagienna<Bagienna (= des la gens Bhagienna, la gens du bhagos, tribu celto-ligurienne). |
|
|
|
|
gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
|
écrit le Saturday 29 Oct 11, 19:48 |
|
|
Le seul petit problème, c'est que si on remonte à la plus ancienne forme du basque qu'on sache reconstituer, le "pré-basque", on n'a pas trace de fricative ou spirante bilabiale ou labiodentale. Dans la même zone d'articulation on n'a que que p, et b.
D'autre part, on ne rencontre que b, g, z, s, l, n à l'initiale de mot (comme c'est l'usage en basque, z note une fricative sifflante lamino-alvéolaire sourde, tandis que s note une sifflante apico-alvéolaire sourde). Ce qui explique pourquoi par exemple, le f du latin fagum est passé à un b dans bago quand le mot a été emprunté en basque.
D'autre part, en fin de mot (dissyllabique comme la majorité des mots pré-basques), on n'avait comme possibilité que les consonnes "fortes" suivantes tz, ts, L, N, R (un doute subsiste pour le r faible).
Donc la possibilité d'un fagus proto-basque semble assez faible (la forme la plus proche au niveau pré-basque serait *bagutz ou *baguts) |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1895 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Friday 04 Nov 11, 11:37 |
|
|
A moins de supposer un ancien latin *favus, hêtre. Gaffiot: prov. crescere tanquam favum, pousser comme un champignon, mais ce n'est pas du hêtre qu'il s'agit apparemment...Et d'envisager un lien celtique avec le faw wallon liégeois et breton? Et avec le dieu Favus > Fagus, un dieu du hêtre? L'évolution phonétique y trouverait-elle mieux son compte?
Avant d'aller sur la lune, on en a d'abord rêvé... |
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6529 Lieu: Etats-Unis et France
|
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6529 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Saturday 05 Nov 11, 18:43 |
|
|
Question technique : dawance a écrit: | Cette référence semble intéressante, sinon qu'on risque d'attraper un torticolis en lisant ! N'y aurait-il pas un informaticien pour tourner tout de 180° ? | Effectivement le texte de la référence précédente est à l'envers.
Pour tourner l'écran de 180 degrés, c'est très simple er reversible, faire
CTRL-ALT ↓
Je l'ai découvert un jour par accident. Les autres flèches correspondent aux autres directions. |
|
|
|
|
Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6529 Lieu: Etats-Unis et France
|
écrit le Tuesday 24 Sep 13, 3:33 |
|
|
Jacques a écrit: | Le patronyme Fayette, commun dans le Limousin, signifierait "hêtraie" (www.geneanet.org). |
Lafayette : prénom masculin patriotique, populaire au 19e s. aux E.U., en l'honneur du Général de La Fayette.
Fate : diminutif du prénom Lafayette
Exemple :
Franklin Lafayette (Fate) Becham, 1871-1958, artiste potier (aussi appelé "Fate Becham") |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Monday 18 Feb 19, 17:45 |
|
|
La discussion ci-dessus a été rendue un peu confuse pas le refus de certains d'admettre que le *bāgos gaulois était mort de sa belle mort. Le fāgus latin ne doit rien au celtique ; le mot gallo-roman fau n'est pas un mot du substrat au gaulois, mais il remonte régulièrement à fāgus ; et les langues brittoniques elles-mêmes ont emprunté leur faw au latin fāgus. Tout ceci, Outis l'avait indiqué clairement dans un fil qu'on lira avec profit, les noms d'arbres en eurindien :
Outis a écrit: | Pour Ernout et Meillet (DELL) le latin fāgus « hêtre » est apparenté au grec phāgós (att. phēgós) « sorte de chêne », tous deux étant ici caractérisés par leurs fruits comestibles (il n'y a pas de hêtres en Grèce). L'hypothèse d'un rapport avec la racine du grec phágō « manger » est cependant indémontrable.
Le thème eurindien *bʰeh₂-g- est bien présent en gaulois dans le toponyme Bāgācum (= Hêtraie) mais ce *bāgo- ayant régulièrement (P.-Y. Lambert, La Langue gauloise, p. 43) perdu son aspiration ne saurait être à l'origine du mot latin.
À l'inverse, c'est au latin qu'ont été empruntés les noms brittoniques du hêtre, par exemple le breton faouet (< *fāgētum).
|
Précisons que faoued est figé en toponymie. Faw est toujours vivant en breton, avec des formes dialectales : faw, fow, vaw ou vow due à l'instabilité de la diphtongue ou au voisement de la spirante initiale. À Cléden-Poher, on dit faw, mais vers l'Arré, moins protégé des innovations trégorroises telles que le voisement des spirantes, on dit vow, ce qui permet la rime :
Gurun diwar ar Vow ne lar ket (a) how
Tonnerre du Faou ne ment pas (du tonnerre dans la direction du terroir du Faou annonce immanquablement la pluie)
A Historical Phonology of Breton de Kenneth Jackson assure de la régularité de l'évolution fāgus > faw, fow, tout à fait parallèle à celle de pāgus > paw, pow, pou "terroir, pagus", mot dont nous avions déjà parlé à-propos du toponyme icoranda. L'identité des vocalismes de ces deux mots rend parfois difficile l'interprétation de toponymes comme le Penfao de Guéméné-Penfao : est-ce "le bout du hêtre" ou "le bout du pays" ? En toponymie et dans les noms de famille, l'élément penn "tête, bout" cause en effet la spirantisation du nom auquel il est apposé, en raison de l'action d'un ancien -n marque du nominatif des noms neutres. Cette mutation n'est plus dans l'usage.
Dans le parler de Cléden-Poher et au sud du Poher en général, le nom de l'écureuil est kazh-faw, littéralement "chat de hêtre". Voir à ce propos le fil les noms de l'écureuil en langues celtiques. |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Wednesday 20 Feb 19, 13:25 |
|
|
La carte 690 "hêtre" de l'ALF est un très bel exemple de conservatisme des zones périphériques. En oïl, les héritiers directs du latin fāgus sont rejetés dans les périphéries les plus extrêmes du domaine linguistique : le gallo n'a feü que le long de la frontière avec le breton ; le normand n'a conservé fau qu'à Jersey et Guernesey. Fau a un peu mieux résisté en Picardie, en Wallonie et en Lorraine, mais sous la forme d'aires fragmentées qui prouvent un recouvrement par des types plus récents.
Le reste du domaine d'oïl se partage entre hêtre, type emprunté au francique, et différentes formes suffixées tirées du latin fāgus : fayard, fouteau, fouineau... Nous avions déjà parlé de l'élimination des monosyllabes, souvent sujets à l'homonymie, à-propos de la disparition de l'ancien français ré ou du grec ancien θυρίς. Je pense que ce phénomène a joué à plein pour remplacer le fau, homonyme de faux, feu ou de fou, par ces types suffixés.
En franco-provençal, partout où Lyon fait sentir son influence, c'est le type suffixé fayard qui s'est imposé. Fau forme cependant une aire compacte en Suisse, qui déborde même sur la Savoie et le Val d'Aoste. On note dans cette aire des attestations sporadiques de types suffixés différents du fayard lyonnais : par exemple un fauté qui fait écho au foutiaù gallo.
En oc, les différentes réalisations phonétiques du type fāgus sont restées hégémoniques, sauf dans le couloir rhodanien où le commerce fluvial avec Lyon a imposé le type suffixé fayard. Le médocain hestre, dont le -s- prouve qu'il n'est pas un francisme récent, montre cependant que le type emprunté au francique a pu se rependre très au sud à date ancienne. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11192 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 21 Feb 19, 9:57 |
|
|
Le Pégorier est ici aussi une excellente source d'information. On y trouvera toutes les variantes localisées des noms désignant le hêtre ou la hêtraie. |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1895 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Friday 22 Feb 19, 17:32 |
|
|
Citation: | Faw est toujours vivant en breton, avec des formes dialectales | C'est très surprenant que la même forme est identique en wallon liégeois faw, avec ses dérivés fays [faï], hêtraie, fayine, fouine, et en Ardenne fawou, hêtraie, alors qu'ici, le hêtre se dit hesse, sous l'influence francique ultérieure de quelques siècles.
A noter que Bavay se dit en flamand Beurken, (les) Hêtres.
Citation: | on. bók ; < pgm. *bōk(ō) < pie. *bheh2ǵ- ‘beuk’., hêtre | Philippa.
Très sympa ton bouquin Papou. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11192 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 22 Feb 19, 17:48 |
|
|
Merci ! Tu parles du Pégorier ? Je le cite très souvent, ça a dû t'échapper. |
|
|
|
|
Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 896 Lieu: Pays de Loire
|
écrit le Monday 17 May 21, 21:52 |
|
|
dawance a écrit: | A moins de supposer un ancien latin *favus, hêtre. Gaffiot: prov. crescere tanquam favum, pousser comme un champignon, mais ce n'est pas du hêtre qu'il s'agit apparemment...Et d'envisager un lien celtique avec le faw wallon liégeois et breton? Et avec le dieu Favus > Fagus, un dieu du hêtre? L'évolution phonétique y trouverait-elle mieux son compte?
Avant d'aller sur la lune, on en a d'abord rêvé... |
La forme fou, faw en Wallonie s'explique non par une transformation du [g] en [w], mais par son amuïssement derrière voyelle et devant o ou u (Vème siècle).
Grosso modo, on a fagu(m) > faγo > fao (faw) ou fou, etc... (cf. sarcophagu > AF sarcou ; *agustu(m) > août, etc... |
|
|
|
|
|