Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 06 Aug 19, 16:43 |
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La racine eurindienne *legʰ- est donnée par Pokorny comme ayant primitivement le sens aoristique de « mettre, poser, déposer » (all. legen) et prenant ultérieurement le sens duratif de « être posé, être couché, installé » (all. liegen).
Cette racine est présente sur la totalité du domaine eurindien à l'exception notable de l'indo-iranien qui, autant que je sache, n'en montre aucune trace. Le lit, l'endroit où l'on se couche, est naturellement porteur de puissantes charges symboliques, liées à la naissance, au mariage et à la mort, mais il est aussi lié à la vie du soldat, qu'il soit en embuscade ou au bivouac.
La racine *legʰ- peut être en concurrence avec une racine *kei- « être couché » (celle qui est présente en sanskrit, ŚĪ-, śete « to lie, lie down, lie on the ground, recline; to rest, repose; to sleep ». Les deux racines coexistent en grec comme en témoigne la glose d'Hésychius qui justifie l'en-tête λέχεται de l'entrée du DELG :
<λέχεται>· κοιμᾶται [lékʰetai : koimâtai]
En grec
Le verbe médio-passif λέχομαι [lékʰomai] donne lieu à un grand nombre de formes dérivées :
• un neutre sigmatique λέχος, -εος [lékʰos, -eos] (< *legʰ-es- « lit » mais, plus particulièrement, « cercuei, bière » et « lit nuptial » ;
• un thématique neutre λέκτρον [léktron] (< *legʰ-tro-), souvent au pluriel λέκτρα [léktra], « lit conjugal, mariage » ;
• un masculin thématique λόχος [lókʰos] (< *logʰ-o-s) « là où on se couche » mais, dès Homère « embuscade », d'où « petite troupe, compagnie » ;
• un féminin λεχώ [lékʰō] (< *legʰoh₂) « femme qui accouche, accouchée » ;
• ἄλοχος [álokʰos] est un mot amusant, la dissimilation d'aspiration éventuelle provoquée par le χ ne permet pas, sans contexte, de distinguer entre deux féminins (mais thématiques en tant que composés) :
— ἄλοχος < *sm-logʰ-o-s « qui a le même lit conjugal = épouse » ;
— ἄλοχος < *n-logʰ-o-s « qui n'a pas de lit conjugal = célibataire », épithète de la déesse vierge Artémis ;
• re-ke-to-ro-te-ri-jo lu sur une tablette mycénienne de Pylos (PY Fr 343) en linéaire B pourrait être compris λεχεστρωτηρίων [lekʰe-strōtēríōn] et désigner une cérémonie équivalente au lectisterne romain (voir plus loin).
λόχος [lóhos] « compagnie » et λεχώ [léhō] « accouchée » subsistent en grec moderne mais, pour le lit, on préfère κοίτη [kíti] (< *kei-) ou, beaucoup plus courant, κρεβάτι [kreváti], issu du latin grabatus.
[à compléter pour d'autres langues, latin en préparation] |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 889 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Tuesday 06 Aug 19, 18:30 |
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Je ne sais si vous allez aborder les langues slaves, mais le russe vous offre quatre verbes tirés de la racine, dont trois sont intéressants :
лежать [l'ijat']/(полежать), équivalents de l'allemand liegen ;
ложиться [lɐjitsə]/лечь [l'etch'] : "se coucher".
Cela dit, je connais le russe, mais je ne suis pas slavisant, je vous signale ces verbes en passant.
Vous pouvez bien sûr supprimer ce message. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Friday 08 Nov 19, 11:21 |
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Le Matasovic fait remonter le breton gwele "lit, placenta, œufs de grenouille" et ses cognats brittoniques à un proto-celtique *ufo-leg-yo, composé de *leg-o "to lay, lie down" (< PIE *legʰ-) et de *ufo- "under" (< PIE *upo-). Matasovic note *f le produit du *p indo-européen en proto-celtique, étape qu'il suppose, avant l'effacement complet que l'on observe dans les langues modernes et même en gaulois et dont nous avons déjà parlé ici. |
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