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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Wednesday 02 May 07, 9:29 |
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égailler est un terme utilisé dans l'ouest de la France : disperser
égaillez-vous ! disaient les Chouans
les Chouans se sont égaillés dans le bocage
pour l'origine, on avance l'hypothèse de aequalis (égal), d'où l'idée de rendre égal, répandre pour égaliser
chez Wace (XIIe) : Emprés unt tut aplanied E fossé e mur eguaillied (sens de niveler)
on note aussi : esgailler la terre : éparpiller
pour la prononciation, le "a" domine mais on note aussi "é"
comme dans égayer (qui dans ce cas est un homonyme) : rendre gai
l'égaiement (ou l'égayement), c'est la dispersion
l'action de rendre gai ne semble pas avoir de terme particulier reposant sur cette racine
on dit la gaité (pour le fait d'être gai)
presque un homonyme : aiguayer (de l'ancien français aigue, eau)
aiguayer du linge, c'est le tremper dans l'eau
aiguayer un cheval, c'est le promener dans un cours d'eau pour le rafraîchir
il fait chaud... je vais aller m'aiguayer ! |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Wednesday 02 May 07, 12:18 |
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@ Xavier, plus précisément, par rapport aux substantifs :
* égailler (disperser) se prononce comme ripailler [egaje] et donne égaillement
* égayer (rendre gai) se prononce comme bégayer [egeje] et donne égaiement ou égayement
* prononce égailler comme égayer et en faire un homophone n'est pas prévu par ATILF...mais de gay à homo, ça reste en famille !
* je ne connaissais pas aiguayer : il se prononce comme "payer" et est donc pour moi un homophone de "égayer". J'aurais pensé à un régionalisme du Midi mais non. Il est cité par ATILF comme vieux et rare mais il mérite de vivre...car il me plait et que j'aime bien m'aiguayer! |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 31 Mar 18, 16:47 |
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Pour Pierre Guiraud, "bien plus vraisemblable est le rapprochement de s'égailler avec l'ancien français soi esgayer "se disperser, s'en aller au hasard", aussi s'égayer "se déployer à l'aise", se desgayer "s'égarer", etc. qui sont des dérivés de gai", sur lequel je vais revenir, toujours en compagnie de Guiraud. Lequel ajoute :
"La forme esgailler est sans doute graphique, l'l palatal et le yod étant confondus de bonne heure. Cela sans exclure un croisement avec l'ancien esgailler "niveler" qui représente bien *aequaliare."
Allons donc voir gai.
Voici d'abord la notice étymologique du TLF :
Peut-être empr. de l'a. occitan gai « pétulant, gai » (...), lui-même issu du got. *gaheis « impétueux » (cf. a. h. all. gāhi « id. », all. jäh « brusque »), provenance qui serait due à l'infl. des troubadours (FEW, loc. cit.), ou plus vraisemblablement mot issu directement de l'a. h. all. gāhi d'où la forme attendue jai (...). La prédominance de la forme avec g- s'explique en particulier par les interférences constantes entre gai et gaillard .
Guiraud maintenant : gai signifie "vif, pétulant" en parlant d'un animal, en particulier d'un cheval. Aussi en parlant du manche d'un outil, d'une articulation "qui joue facilement". D'où le sens de "vif" qu'on applique au temps, à une couleur, à l'humeur.
Ces exemples, et les autres (cf. FEW, XVI, 7 *gâheis) montrent que l'idée est moins d'"impétuosité" que de "liberté".
Ainsi gai "nu, sans brides ni harnais (d'un cheval, terme de blason) ; avoir l'ouïe gaie "entendre facilement" ; un sommeil gai "léger" ; une taille égayée "libre et dégagée"...
Je souscris complètement à cette option : le sens premier, fondamental de gai est "libre, sans entraves, sans contraintes", d'où les conséquences : la vivacité, le bonheur, l'impétuosité, etc. Au début est la liberté. Le cheval gai n'est pas joyeux - comment le savoir ?! - mais il gambade librement, sans selle ni brides. Le hareng guai est débarrassé de la laitance et des oeufs qui alourdissaient ses déplacements, etc.
Un terme technique est très important en étymologie, il est généralement monosémique et conserve son sens aussi longtemps que la technique existe. Lorsqu'un terme technique passe dans la langue courante, il perd peu à peu le sens obligatoirement précis qu'il avait au départ. Les dictionnaires n'accordent généralement pas assez d'importance aux sens techniques, alors qu'il y a de fortes chances pour qu'ils soient les plus anciens.
Ce qui fait de gai un mot probablement issu de la racine IE *gʰē- "lâcher, laisser aller librement", qui a donné l'anglais to go et bien d'autres mots. (Attention : je fais plus loin une autre hypothèse).
Bref, s'égailler (se disperser librement) et égayer (rendre gai) ne sont pas des homonymes mais des doublets, tous deux dérivés de gai.
Et guai n'est pas un homonyme de gai mais une simple variante.
Dernière édition par Papou JC le Sunday 08 Apr 18, 10:19; édité 3 fois |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 898 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Saturday 31 Mar 18, 17:52 |
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Xavier a écrit: | [s']égailler est un terme utilisé dans l'ouest de la France : [se] disperser |
Je connais ce terme, dans le même sens mais à première vue seulement sous sa forme réfléchie, depuis ma tendre enfance en Belgique…
(Ainsi que la distinction à faire, tant phonétiquement que sémantiquement, avec égayer.) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 01 Apr 18, 5:43 |
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Voir aussi le mot du jour hériter.
Voir aussi le latin vagus.
(Pour Pierre Giraud, vagus serait l'étymon de gai. (Étymologies obscures, p. 309), mais je crois qu'il se trompe.)
Dernière édition par Papou JC le Sunday 08 Apr 18, 10:20; édité 1 fois |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 02 Apr 18, 9:49 |
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Outis : copie d'une réponse à Picardicus qui s'interrogeait sur l'accord de genre « une jument gaie » et que Papou avait renvoyé à ce présent fil :
Qui ne répond pas sur le genre, hélas. Mais c'est une bonne question. Le TLFi y répond, lui : CNRTL(TLFi) a écrit: | GUAI(S),(GUAI, GUAIS), adj. masc.
Hareng guai(s). Hareng qui, après avoir frayé, est vide de laitance et d'œufs. La pêche du hareng guais dans les eaux territoriales françaises (Boyer, Pêches mar.,1967, p. 88).
Prononc. et Orth. : [gε]. Homon. gai, guet. Orth. guais ds Besch. 1845, Lar. 19e-Lar. Lang. fr.; guai(s) ds Rob. et Quillet 1965. Étymol. et Hist. 1723 hareng gai (Savary d'apr. FEW, t. 16, p. 7b); 1812 hareng guais (Boiste). Prob. var. orth. de gai* employé au fig., cf. « vif, pétulant [en parlant d'un animal] » (dep. le xiiies. ds DEAF) puis cheval guais terme de blas. « sans bride ni harnais » (1690 ds Fur.). |
Mais semble accepter ailleurs la jument gaie: ibid. a écrit: | GAI, GAIE, adj., interj. et adv. […]
3. P. anal. [En parlant d'un animal] Qui se plaît à jouer, gambader. Le moineau franc, gai, taquin (Hugo, Chans. rues et bois,1865, p. 244).Les premiers arrivent, en galopant, une centaine de petits veaux, très gais, très comiques, la queue en trompette (Loti, Galilée,1896, p. 118).
− En partic. [En parlant d'un cheval] Synon. de fringant.Comme ils [les chevaux hongrois] étaient libres et gais dans la vaste pâture (Tharaud, Qd Israël est roi,1921, p. 226).
− HÉRALD. Cheval gai. ,,Cheval qui n'a ni selle ni bride`` (Ac.). |
On remarquera qu'il sépare le cheval du hareng et qu'il est loin de s'appuyer sur Guiraud. En revanche, les indications qu'il fournit (Lars-Otto Grundt, Ét. sur l'adj. invarié en fr., Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 46, 138, 221, 229) ont l'air sérieuses et mériteraient d'être examinées ; le livre est à la BU de Paris 8 et à plusieurs en Suisse …
Quant à moi qui suis un admirateur de Charles Cros, j'étais étonné qu'un adjectif qualifiant le hareng ait le moindre rapport avec la gaieté : voir ici. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 02 Apr 18, 9:52 |
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Ce à quoi j'ai ajouté :
Quand, dans une locution nominale figée de type "nom + adjectif", le nom est masculin, il faut attendre de tomber sur la même locution avec un nom féminin pour savoir si l'adjectif a une forme féminine et laquelle. En principe, un adjectif a toujours une forme féminine potentielle, c'est ce qui le distingue du nom.
On va peut-être découvrir un jour "une carpe guaie" ou "une truite guaie". Pourquoi serait-ce le privilège du hareng (femelle) d'être vidé de sa laitance et de ses oeufs ?
Idem pour la jument gaie et la génisse gaie. Il se trouve cependant que cheval et veau sont des formes plutôt neutres que masculines et qu'on ne précise le sexe de l'animal que si ça s'impose. Une bonne moitié des équidés qui prennent part à des courses de chevaux sont des juments.
À part ça, le TLF sépare le hareng du cheval mais Outis oublie de dire que le même TLF considère guai comme une probable variante orthographique de gai.
Le TLF ne remarque malheureusement pas que le les deux mots ont non pas le sens de vif ou d'impétueux mais de libéré d'une charge, ce qui entraîne forcément la vivacité. C'est ce que Guiraud a bien vu, lui. Et moi aussi.
Dernière édition par Papou JC le Thursday 05 Apr 18, 23:34; édité 2 fois |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Friday 06 Apr 18, 9:59 |
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Papou JC a écrit: | Quand, dans une locution nominale figée de type "nom + adjectif", le nom est masculin, il faut attendre de tomber sur la même locution avec un nom féminin pour savoir si l'adjectif a une forme féminine et laquelle. En principe, un adjectif a toujours une forme féminine potentielle, c'est ce qui le distingue du nom.
On va peut-être découvrir un jour "une carpe guaie" ou "une truite guaie". Pourquoi serait-ce le privilège du hareng (femelle) d'être vidé de sa laitance et de ses oeufs. i. |
Il n'y a sans doute aucune impossibilité linguistique mais , de fait, il me semble que l'emploi au féminin n'aurait été d'aucun intérêt , dans cet emploi " technique" de la pêche . On utilise cet adjectif pour des poissons qui ne sont pas de très grande taille, se déplacent par bancs et sont péchés en masse.
On ne se posera pas ce genre de question pour une carpe ou une tanche, à la chair grasse et nourrissante, avant ou après le frai..
Il me semble que c'est la raison pour laquelle l'adjectif n'apparaît qu'au masculin. Et souvent au pluriel. Il se trouve que ces poissons de relative petite taille , toujours en groupe, ont aussi des noms de genre masculin. |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 898 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Friday 06 Apr 18, 10:59 |
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rejsl a écrit: | Il se trouve que ces poissons de relative petite taille , toujours en groupe, ont aussi des noms de genre masculin. | La sardine ferait-elle exception ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 06 Apr 18, 15:09 |
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En attendant la réponse pour la sardine, et puisqu'il y a deux fils pour en parler - ce qui est très pratique, chacun en conviendra - je répète ici ce que j'ai dit ailleurs :
J'avance l'idée que le sens premier de guai est probablement vide, vidé et que les autres sens (épuisé pour Monsieur Hareng ou plus agile pour Madame) sont des conséquences de cet état.
Question : Si Guiraud a peut-être raison de rapprocher le gai du cheval du latin vagus, serait-il possible, permis et orthodoxe de rapprocher le guai du hareng du latin vacuus ?
Je sais, ce n'est pas ce que j'ai proposé plus haut, c'est une autre piste.
Finalement, les deux gai et guai sont peut-être à rapprocher de vacuus. C'est parce que le cheval est sans bride ni selle - en vacances en somme - qu'il gambade ensuite où bon lui semble. C'est d'ailleurs le sens héraldique, où l'on voit l'état du cheval mais non ce qu'il fait ensuite de cet état. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Friday 06 Apr 18, 17:52 |
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AdM a écrit: | rejsl a écrit: | Il se trouve que ces poissons de relative petite taille , toujours en groupe, ont aussi des noms de genre masculin. | La sardine ferait-elle exception ? |
Comme l'ablette, et probablement pas mal d'autres. Y a-t-il une règle ?
Quoique la plupart des occurrences trouvées pour "g(u)ai/s" concernent les harengs, en voici une pour les esturgeons où l'on parle d'individus guais, page 38.
http://belsp.uqtr.ca/640/7/Fortin%20et%20al%201992_Esturgeon%20jaune_A.pdf
Belle définition de mots-croisés, pour un mot en cinq lettres : sans frais.
http://www.cruci2.com/definition/recherche_def_id2.php |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 06 Apr 18, 18:57 |
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Oui, mais, vue la singularité, on peut craindre que le rédacteur ait, de son propre chef, réutilisé une connaissance livresque pour « faire bien ». De la même façon, j'avais trouvé une « jument gaie » dans un texte de caractère fantastique (il s'agissait d'une pégase) que je m'étais abstenu de signaler pour ne provoquer personne … |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 06 Apr 18, 23:15 |
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Cette délicate attention t'honore, mais je ne vois pas qui ton exemple de jument gaie aurait pu provoquer. Je crois que nous attendions tous, au contraire, qu'un lecteur assidu nous apporte un tel exemple sur un plateau, ça nous aurait évité de dire que rien ne semblait "théoriquement" s'opposer à l'existence d'un tel syntagme.
Citation: | vue la singularité, on peut craindre que le rédacteur ait, de son propre chef, réutilisé une connaissance livresque pour « faire bien » |
Si c'est du premier ouvrage que tu parles, ils étaient trois auteurs ayant l'air de connaître leur affaire. Et de toutes façons, je ne vois pas ce qui te permet d'accuser qui que ce soit de "réutiliser des connaissances livresque pour faire bien". Je dis bien accuser car ton euphémique on peut craindre que ne trompe personne. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 07 Apr 18, 23:59 |
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Trouvé chez Ernout et Meillet : Bloch et von Wartburg parlent de vaccus sous l'entrée vague et donnent le cognat brittonique gwag qui pourrait fort bien avoir abouti à guai dans un premier temps, puis à gai.
Je ne suis pas le premier à faire cette hypothèse. Un certain Nicholson l'a faite en 1921. Voir la recension de son article page 154, nº 19. On notera que, contrairement à d'autres, cette étymologie n'est pas contestée par l'auteur de la recension. Il serait évidemment intéressant d'avoir accès au texte original. On a accès à la réponse faite par Nicholson à son censeur recenseur.
Mais ça reste une hypothèse. Qui peut la confirmer ou l'infirmer ?
En attendant, on peut toujours rendre visite à la grande famille VIDE, et au mot du jour vaquer. |
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