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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 0:18 |
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Alors le mystère de hosanna reste entier, je remballe mes hypothèses et laisse avec regret les hébraïsants tenter de le résoudre. Y compris l'élucidation de ce -na final qui ne fait pas non plus l'unanimité.
Il reste que c'est assez curieux que des gens répètent ce mot depuis des siècles dans des cérémonies religieuses sans avoir la moindre idée de ce qu'il signifie ! Quelle ne doit pas être sa force incantatoire pour avoir survécu au passage au grec d'abord et au latin ensuite dans la liturgie chrétienne ! Kyrie eleison a survécu au passage au latin mais hosanna a fait encore plus fort ! Il a même survécu à l'abandon du latin, me semble-t-il. Je crois bien avoir lu ou entendu quelque part Hosanna au plus haut des cieux ! |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 10:16 |
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Papou JC a écrit: | Il reste que c'est assez curieux que des gens répètent ce mot depuis des siècles dans des cérémonies religieuses sans avoir la moindre idée de ce qu'il signifie ! |
Je me suis aussi fait cette réflexion mais elle est fausse en fait. Ceux qui dans la liturgie catholique en français utilisent ce mot lui donnent bien une signification, un sens qui est d'ailleurs noté dans les dictionnaires : formule de bénédiction et d'heureux souhait, exclamation de joie, cri d'enthousiasme. De la même façon, on dit ouille si on se fait mal, ou pomme pour désigner un certain fruit ; le sens est bien là, ce qu'on ignore, en revanche, c'est l'étymologie du mot, son histoire : mais là, finalement, la chose n'est pas bien différente de la majorité de notre vocabulaire pour la majorité des locuteurs. Pourquoi dit-on "ouille" et qu'est-ce que cela veut dire au fond, à l'origine ? Peu le savent, peu s'en soucient, et cela ne nous empêche nullement de l'utiliser avec un sens convenu que nous reconnaissons actuellement. C'est la même chose pour hosannah en français.
Pour la liturgie catholique en latin, c'est plus compliqué, car il s'agit alors de longues séquences de mots dont le sens n'est pas perçu individuellement. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 12:15 |
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Je n'adhère que modérément à ta vision du sens d'hosanna, que tu compares aux cas de ouille et de pomme. Qu'en est-il alors de Kyrie eleison ? Pourquoi cette formule grecque a-t-elle survécu au passage au latin ? Pourquoi surtout a-t-elle été conservée par le clergé ? Il y a bien dû y avoir une décision prise en haut lieu à ce sujet. Et je ne vois pas pourquoi alors hosanna (ou comme on voudra l'écrire) aurait fait l'objet d'un traitement différent et particulier.
Je me demande s'il y a encore d'autres mots ou locutions du même type... |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 14:47 |
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Dans la liturgie catholique, il y a d'autres mots que hosanna qui ont été conservés de l'hébreu : amen, alleluia, sabbaoth et j'en oublie probablement. Mais nous nous écartons assez du mot du jour.
Le cas de kyrie eleison est encore différent. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 18:49 |
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Sabaoth est le moins connu, je pense. Voici le texte latin du "Sanctus", qui concerne notre mot du jour puisque c'est là qu'il se trouve aussi :
Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus, Deus Sábaoth ! Pleni sunt caeli et terra glória tua.
Hosánna in excélsis !
Benedictus qui venit in nómine Dómini.
Hosánna in excélsis !
Traduction :
Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu de l'univers. Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
Hosanna au plus haut des cieux !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
Hosanna au plus haut des cieux !
Quant à amen et alleluia, ils ont déjà fait l'objet de mots du jour. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 19:27 |
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Papou JC a écrit: | Sabaoth est le moins connu, je pense.
Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus, Deus Sábaoth !
Traduction :
Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu de l'univers. |
Traduction, c'est vite dit. C'est une affaire qui a fait couler de l'encre. La traduction littérale et encore souvent donnée est Dieu des armées. Sur le débat religieux, on peut se reporter ici ou là.
Pour le Babélien lambda que je suis, la traduction littérale est la plus intéressante, dans la mesure où elle nous enseigne au moins deux éléments d'hébreu :
-d'une part le pluriel hébreu en -ot (généralement pour les noms féminins, quoique qu'ici il d'agisse d'après ce qu'on m'a dit d'un nom masculin) qu'on retrouve dans la fête des tentes, Souccot déjà mentionné plusieurs fois sur le forum (pour le pluriel en -im des noms masculins, on pensera à chérubin et séraphin).
-d'autre part, le même nom hébreu d'armée réapparaît dans l'acronyme Tsahal qui désigne aujourd’hui l'armée d'Israël. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 02 Jan 13, 19:39 |
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Je ne souhaitais pas allonger le hors sujet. Fais donc un mot du jour de sabaoth. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 03 Jan 13, 6:40 |
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Je préfèrerais que ce soit fait par un hébraïsant. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Thursday 03 Jan 13, 15:13 |
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Revenons au mot qui nous intéresse .
Le deuxième élément du terme semblait poser problème (cf. Papou). Je comprends que des non-hébraïsants soient étonnés de traductions multiples, diverses et vagues comme :
" Sauve-nous!" ou " Sauve-nous maintenant " ou "Sauve-nous, de grâce " " Je t'en prie et autres variantes.
Mais c'est qu'une traduction littérale n'est pas possible.
Pour autant, ce -NA n'est pas inconnu.
Il s'agit d'une particule d'insistance. Elle apparaît en hébreu biblique,dans la Torah, et toujours utilisée dans un contexte religieux. On la trouve aussi dans un hébreu plus tardif, toujours dans le domaine de la liturgie .
-נָּא est à chaque fois une particule d'insistance qui se place après un verbe à l'impératif et qui renforce le voeu, le souhait tout en atténuant la valeur injonctive: on ne donne pas d'ordre à l'Éternel , on le prie, le supplie. Voilà pourquoi on dit que c'est une forme déprécative (qui appartient à la prière religieuse).
Dans un autre contexte, profane, une telle particule pourrait être traduite par
donc :" viens donc!" ou "assieds-toi donc !". Mais traduire ainsi dans le cadre d'une adresse à Dieu pourrait paraître irrespectueux . Les différentes traductions qui courent tentent plutôt de traduire l'esprit (renforcer la prière , demande sous forme de supplication ) car nous n'avons pas d'équivalent en français pour une telle particule déprécative.
Des exemples tirés de versets en hébreu ancien suivront dès que j'aurai récupéré mon ordi
Dernière édition par rejsl le Thursday 03 Jan 13, 23:10; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 03 Jan 13, 16:26 |
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Merci pour cette précision.
Si je compare avec l'arabe, cette particule se rapproche donc plus de إنّ [inna], "certes" que de نا [-nā], "nous, de nous", avec la différence que la particule hébraïque se place là où se place le pronom personnel arabe, en position de suffixe, d'où la confusion, alors que la particule arabe est isolée et ne précède jamais qu'un nom au cas direct.
Reste que si hosana signifie "sauve-nous", il doit bien y avoir quelque chose dans ce mot pour signifier ce nous, car il y a forcément un complément d'objet direct humain à sauver... Il est embêtant, Papou, hein ? |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Friday 04 Jan 13, 0:38 |
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Citation: | Reste que si hosana signifie "sauve-nous", il doit bien y avoir quelque chose dans ce mot pour signifier ce nous, car il y a forcément un complément d'objet direct humain à sauver |
Il semble que ce ne soit pas si simple.
Là encore, sauve-nous n'est pas une traduction littérale. C'est bien parce que les traducteurs francophones ont eu la même réaction que toi qu'ils ont ajouté ce nous, pour mettre un COD , car sinon, ça ne passe pas en français et c'est la même chose pour l'allemand ou l'anglais. Mais le Nous n'y est pas, il n'y a pas de Cod; Juste le verbe sauver à cette forme impérative + la particule d'insistance déprécative.
Tiens, un exemple, celui du yiddish : le cri de détresse, l'appel à l'aide que nous exprimons en français par : " À l'aide ! ou Au secours ! s'exprime en yiddish par : ! ראַטעװע = rateve ! . C'est un impératif , celui du verbe rateven (ראַטעװען) d'origine germanique . Même famille étymologique que le verbe allemand retten = sauver ( si ce n'est l'ajout d'un suffixe slave -ev ) .
Bref, cela donne littéralement " Sauve ! " Pas de COD. Il n'est pas nécessaire, la langue exprime par un impératif la demande d'intervention pour sauver. Toujours est-il qu'au niveau de la structure syntaxique, c'est un peu semblable à cette tournure biblique hébraïque. Il se pourrait d'ailleurs que cette tournure yiddish soit en fait un calque sous l'influence justement du hosha'na qui intervient dans ces prières, à répétition, pour certaines grandes fêtes. ( Ceci n'est qu'une hypothèse personnelle sans aucune assurance).
De plus, dans le cas de הֹושִׁיעָה נָּא , il s'agit d'une forme impérative particulière, déjà évoquée plus haut , appelée hifil ( ou hiphil), une forme causative. C'est un peu comme si on disait :" Fais que l'action de sauver se réalise " Ou "Fais que le salut arrive ", tout cela exprimé uniquement par une extension de la forme verbale habituelle.
Dernière édition par rejsl le Friday 04 Jan 13, 1:00; édité 2 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 04 Jan 13, 0:55 |
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Parfaite réponse, je comprends, merci ! En fait, une assez bonne traduction serait Sois le Sauveur ! |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Friday 04 Jan 13, 1:22 |
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La racine trilitère devrait être ישע ( yasha) = et le nom de Jésus y serait apparenté. יהושע = le Sauveur. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11201 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 04 Jan 13, 7:09 |
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Ça, c'est une piste très importante.
Alors j'ai une proposition plus solide que les précédentes : il y a un verbe arabe عسّ [ʿassa] qui me semble un assez bon candidat pour être le cognat recherché. La consonne initiale est le fameux "ayn" dont on a parlé ici ou là à d'autres occasions. C'est une fricative pharyngale sonore propre aux langues sémitiques qu'on ne sait jamais bien comment représenter en transcription romane. Elle est le plus souvent escamotée, mais, faute de mieux, un h peut faire l'affaire. Sa représentation scientifique est l'apostrophe inversée, que j'utiliserai donc ici.
- L'impératif singulier de ce verbe est عُسَّ [ʿussa].
- Ce verbe signifie : "faire le guet, assurer la surveillance, monter la garde", sens qui me semble très proche de celui de sauver. (Cf. fr. sauvegarder). On voit qu'un tel verbe est intransitif, il se suffit à lui-même, se passe d'un complément d'objet. Je peux dire "Veille !" ou "Surveille !". Sous-entendu : "veille sur nous, protège-nous du danger".
- Ses deux radicales fortes sont [ʿs], à savoir les mêmes que dans le nom arabe de Jésus (voir ce fil), que l'on dise عيسى [ʿīsā] comme les Musulmans ou يسوع [yasūʿ] comme les Chrétiens. Le nom arabe de Jésus est donc plus proche de Veilleur que de Sauveur. Ça aurait plu à Bach.
- Cette racine, bilitère et non pas trilitère, qui porte le numéro 226 dans la liste des étymons de Bohas, est réversible. D'où les deux noms de Jésus, d'où aussi deux verbes synonymes relevant de cet étymon, سعى [saʿā] et عاس [ʿāsa], qui signifient notamment "chercher à gagner la subsistance de sa famille, avoir soin de sa famille et la nourrir". On voit qu'on reste dans le champ sémantique du bon père qui prend soin de sa famille, la nourrit et la protège du mal, fonctions généralement attendues du dieu révéré, dans quelque religion que ce soit. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Friday 04 Jan 13, 11:24 |
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Papou JC a écrit: | Ça, c'est une piste très importante. |
certes et qui était déjà indiquée dans le lien que j'avais donné le 31 décembre vers Leigh :
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