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Bateau, dis-moi ton nom...

 

Petite réflexion sur les mots qui désignent les bateaux. 

Savoyarde

Une grande savoyarde sur le haut Rhône

Introduction

Il est bien tentant, et même naturel, lorsque l'on étudie les bateaux fluviaux dans le cadre d'un dictionnaire, de s'interroger sur l'origine des mots qui servent à les désigner. En effet, on voit vite se dessiner de grandes familles sémantiques tout en remarquant qu'un même mot peut désigner plusieurs types de bateaux tandis qu'à l'inverse, plusieurs mots peuvent désigner le même bateau. Bien sûr, si certaines appellations ont une origine évidente, d'autres en ont une beaucoup plus obscure. Tout cela, s'il ne rend pas le sujet facile à appréhender, ne contribue pas moins à le rendre fascinant et excitant.

Berrichon

Le berrichon a du mal à cacher son origine...

Marnois

Marnois à Paris, par Johan Barthold Jongkind (1852)

Les noms d'origine toponymique

Une grande famille se distingue nettement par son importance, ce sont les noms d'origine toponymique, dans un sens assez large. Ce sont tous ces mots qui indiquent de façon plus ou moins claire l'origine géographique du bateau. Les mariniers et les charpentiers ont trouvé ainsi une manière commode et somme toute logique de désigner leurs bateaux, en leur donnant un nom qui évoque la rivière, la région ou la ville où en ont été construits les premiers exemplaires, ou la rivière pour laquelle ils ont été conçus. Ainsi la sambresse (alias meusan ou ardennais), le marnois, l'alsacien, le strasbourg, l'argentat, la roannaise, le guinot, le picard ou le berrichon (alias vierzon ou dunois) ne peuvent-ils guère cacher leur origine. Quelques déformations de prononciation rendront un peu plus difficile de trouver que la salambarde (ou ramberte) vient de Saint-Rambert-sur-Loire, que la sisselande vient de Seyssel sur le Rhône, le coutrillon de Coutras sur l'Isle, le monistrot de Monistrol-sur-Allier, le molusson de Montluçon. Mention spéciale à la campionnette qui vient d'un patronyme : c'est un berrichon construit à Digoin, au port Campionnet, du nom d'un industriel local qui l'a créé. Le margotat, est, à l'origine, construit sur l'île Margot à Clamecy. Le petit boche, quant à lui, ne se contente pas d'annoncer son origine géographique, mais de plus son caractère péjoratif apporte un éclaicissement sur les circonstances de sa construction. À cette famille de noms se rattachent les mots néerlandais, éventuellement francisés, comme bélandre ("bijlander"), westlander, riejtaak, boieraak, ou l'anglais humberkeel. Enfin, d'une façon beaucoup moins élaborée, nous avons un grand nombre de noms formés à partir des termes génériques "bateau", "baquet", "chaland", "barque" ou "flûte" en y adjoignant le nom de la ville, de la rivière ou de la région d'origine. Ainsi sont formés les baquet de Charleroi, bateau de Neuf-Brisach, chaland de Brière, bricole sarroise, barque de patron du Midi ou flûte de Bourgogne ou de Saint-Dizier pour n'en citer que quelques uns. Les bateaux modernes danubien, canadien, rhénan, rhodanien, campinois ("kampeneer"), sambrésien, canal du Nord, reprennent ce même principe d'appellation.

Baquet de Charleroi

Baquet de Charleroi sortant d'une écluse

Ramberte

Ramberte dans les gorges de la Loire (Dessin Berg)


Gabare Charente

Gabares de Port d'Envaux, sur la Charente

Le matériau et la forme

Autre façon de désigner un bateau : par sa forme ou son matériau de construction. En ce qui concerne ce dernier, le choix n'est guère large car les essences de bois qui entrent dans le gros de la construction du bateau ancien ne sont guère nombreuses. Ainsi le sapin donnera-t-il les différentes sapines et sapinière, et le chêne la chênière. Le pin a vraisemblablement donné la penelle et peut-être la pinasse, et par dérivation la péniche (qui est pourtant en chêne), mais c'est sujet à caution. Plus récemment le plastique inspirera les personnels de la navigation qui vont baptiser, non sans ironie, "tupperware" le bateau de location en plastique. Avec la même ironie, ils baptiseront "cigare" le bateau d'outre-Manche que les britanniques ont déjà appelé narrow-boat ("bateau étroit"). La forme du bateau inspire ainsi également le marinier qui nomme le sabot de Charleroi, la barque à cornet d'Amiens ou le bé de cane. À cette famille de noms inspirés par la forme se rattachent les mots basés sur de très anciennes racines grecques ou flamandes pour la plupart : la garabotte et les nombreuses "gabares", ainsi que leurs dérivés gabarot et gabareau, tirent leur nom de la racine karab-(1) qui a donné le grec karabos (coquille) et qui évoque une idée de contenant creux (2) (cf carapace, scarabée, crabe, carabe...). Une racine flamande -schuit- (3), elle-même formée sur une racine indo-européenne plus ancienne, a donné le scute, l'escute et peut-être l'écaude. En revanche, si l'on est tenté de rapprocher les différentes flûtes (d'Ourcq, du Tarn, du Berry, de Bourgogne ou de Saint-Dizier) de leurs homonymes musical, boulanger et vaissellier, il faut peut-être se méfier et aller rechercher, comme pour la flette, une origine dans le flamand -fluit. Le navis latin donnera la nau du Lot ainsi que la nacelle de l'Ill.

Penelle

Penelle à Lyon

Tupperware

"Tupperware"

Ecaude

Ecaude de l'Orne


Avitailleur

Avitailleur au travail sur la Seine


La fonction et l'usage

D'une façon tout aussi logique que l'origine géographique, la fonction et l'usage du bateau peuvent être à l'origine de son nom. Ainsi les brise-glace, remorqueur, passe-cheval, charrière, toueur, faucardeur, avitailleur, pousseur, légumier, bateau-lavoir, bateau-chapelle et autre moulin-bateau annoncent-ils sans détour leur usage.

Bateau-chapelle

Bateau-chapelle

Moulin-bateau

Moulin-bateau à Lyon



Gros numero

Gros numéros tout juste livrés à la France dans les années 1920

Le "truc" caractéristique

Si cette famille de mots n'est pas la plus nombreuse, loin s'en faut, elle n'en est pas moins intéressante pour autant. Ici, l'accent est mis sur un détail caractéristique, et éventuellement étonnant, du bateau. Ainsi le gros numéro portait peint sur sa proue, à la sortie d'usine, un... gros numéro (entre 1 et 639) peint en blanc. La cadole est à l'origine une cabane en Bourgogne. Or c'est une cabane mobile en bois que l'on place sur la cargaison du bateau qui prendra ce nom par extension. La cabane évoque l'abri dans lequel prennent place les passagers de ce coche. L'accéléré est un bateau soit conçu pour la vitesse, soit autorisé à passer en priorité. L'Inexplosible est un vapeur à passagers censé présenter une sécurité absolue. Le trente-huit mètres mesure en effet 38,50 m (en vérité souvent un peu plus).

Accelere

Deux bateaux accélérés sur la Loire (Dessin Berg)

Inexplosible

Un Inexplosible en vue d'Orléans (Dessin Berg)


Chalibardon

Maquette de chalibardon (musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine)


Les noms vernaculaires

Il reste tous les noms qu'on ne peut pas classer dans les catégories précédentes, bien qu'une étude linguistique approfondie pourrait certainement rattacher certains d'entre eux à la famille "matériau et forme". Pour ces noms, en fait les plus nombreux et souvent les plus poétiques, seule une étude individuelle pourra en dégager l'origine. Peut-être au maximum peut-on rapprocher le chalibardon du chaland, la galupe de la chaloupe (et du sloop). Dans cette famille-là, une palme peut être décernée aux bateaux de l'Adour qui, peut-être à cause de la spécificité linguistique basque, portent les noms les plus étranges et les plus poétiques (Halo, tilhole, galupe, chalibardon, couralin), même si sur le Rhône on trouve la rigue et la liquette, sur la Seine la gribane, le foncet, la besogne et la vrengue, dans le sud-ouest le courpet et la miolle.

Comme on le voit, les noms des bateaux fluviaux représentent un vaste champ d'études encore à explorer...

Rigue

Deux rigues sur le Rhône



(1) L'allemand Graben (fossé) et l'anglais grave (tombe) ont vraisemblablement la même origine. (retour au texte)

(2) Voir à ce sujet le remarquable travail de la linguiste Stella Médori dans "QUADERNI DI SEMANTICA, Vol. XXVIII, n° 2, Decembre 2007" (retour au texte)

(3) Un travail comparable à celui de Stella Médori sur karab- nous en apprendrait certainement beaucoup. Cette racine pourrait être la même que pour l'allemand Schielde (bouclier) et le français écu (au même sens de bouclier). La matrice originelle pourrait évoquer la notion d'écaille, de carapace, donc là aussi de contenant creux. (retour au texte)


Flutes Bourgogne

Flûtes bourguignonnes dans le port de Roanne



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